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Les messages qui figurent sur la page d'accueil sont classés dans l'ordre inverse de la chronologie, c'est-à-dire les plus récents en haut de la page et les plus anciens en dessous. Leur ordre est chronologique dans les deux onglets concernant la mission en Haïti et ma première année au Tchad. Dans ces deux parties, il est possible de lire les textes à l'écran mais aussi de les télécharger en format PDF...

Haïti

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Arrivée à Port au Prince
Jeudi 10 juin

Nous sommes arrivés hier en début d'après midi à Port au Prince : l’atterrissage a eu lieu en douceur à 14h45. Nous avons été surpris par la beauté du paysage, les montagnes qui entourent la ville. L’aéroport a été réorganisé à cause des dégâts occasionnés par le séisme. La sortie a été longue : nous avons attendu longtemps nos bagages, puis, pour progresser en dehors de l’aéroport, nous étions freinés par une foule dense qui cherchait à gagner un peu d’argent en poussant puis récupérant les chariots à bagages, des enfants qui quêtaient, etc. Nous avons été acheminés dans une banlieue, Ségur, là où nous résiderons pendant notre première session. La traversée de Port au Prince a été un parcours allongé par le détournement que les forces des NU nous ont imposé et les embouteillages (qu’on appelle ici « blocus »). Nous avons pu contempler le paysage de cette ville dont nous n’avons su discerner toujours ce qui appartenait aux conséquences du séisme et ce qui résulte de la grande pauvreté.

Nous avons évidemment vu des maisons détruites en même temps que beaucoup de bâtiments reconstruits ou en cours de remise en état. Nous avons aperçu des tentes nombreuses et longé un camp.

Le CAFOJ où nous logerons pendant notre première session est un centre d'accueil créé par les évêques. Les séminaristes de trois séminaires y sont regroupés (sous tentes) et les chambres servent de dispensaire et d’accueil pour les blessés du séisme. Nous sommes logées dans un dortoir sauf les deux hommes qui bénéficient de chambres particulières !
Nous commençons la session demain avec des sœurs, Filles de la Sagesse, dont certaines sont restées sous les décombres pendant plusieurs heures. Déjà d'autres appels nous sont parvenus de la part de personnes rencontrées ici : deux personnes amputées à cause du séisme, un séminariste et un jeune homme ; deux couples de l'Emmanuel qui ont entendu parler de nos sessions qui auraient voulu participer. La capacité d'hébergement est atteinte : ils devront attendre une prochaine caravane. Les besoins sont immenses et le type d'aide que nous venons apporter est capitale. Le bouche à oreille depuis la caravane d'avril a fonctionné rapidement.
Ce matin, nous avons pris le temps de célébrer une eucharistie sobre et priante. Le célébrant, Enrique, prêtre colombien de notre caravane, nous a invités à dire comment les textes de ce jour nous inspiraient pour notre mission.
Ensuite Jeanne (la pilote de notre caravane) nous a rassemblés pour constituer notre équipe. Elle nous a lu la lettre d’envoi que Marie-Marcelle Desmarais, la Directrice de l'Institut, nous a adressée dans laquelle elle évoque la visite de Marie à sa cousine Elisabeth et le lavement des pieds. C'est bien dans cet esprit de service de nos frères et sœurs, de visitation de nos cousines et cousines Haïtiens que nous sommes ici !
Jeanne nous a aussi partagé les racines du terme de « caravane » que nous employons à la suite de Marie-Marcelle, avec la dimension de mouvement, de dynamisme créateur, de découverte et de communion : des personnes en marche avec une vision commune !
Nous avons pris le temps de partager ce qui nous habite, ce qu'il y avait dans notre "oui" lorsque nous avons accepté de participer à cette mission. C'était riche et profond, puisant aux racines de nos vocations et du don de nos vies. Nous avons poursuivi en nommant ce qui nous anime : « Envoyés ensemble pour libérer la vie et l’espérance ». Ensuite nous avons exprimé ce que nous voulons pour les personnes et quelle transformation nous souhaitons permettre : « Mettre les personnes debout pour servir et s’engager ». Nous avons senti que nous sommes habités par un souffle commun, une grande confiance mutuelle nous anime. Ce soir nous avons repris un temps pour lire une lettre de Marie-Marcelle qui nous a permis de repréciser le spécifique du changement que nous voulons opérer chez les personnes des différentes sessions que nous allons animer : « Restaurer les forces vitales humaines des Haïtien-nes broyé(e)s par le séisme du 12 janvier ».
Cet après-midi, nous sommes partis en voiture à Port au Prince pour nous rendre sur les lieux de fracture du séisme. Cela nous a permis de nous faire une représentation de l’ampleur des destructions et de mieux réaliser ce que les personnes ont pu vivre. Si dans certains secteurs les dégâts ont été camouflés derrière des murs rebâtis à la hâte, d’autres quartiers ne sont encore qu’empilement de gravats et de murs effondrés. Le centre ville autour de la cathédrale a été fortement affecté : celle-ci est totalement détruite. Les maisons sont effondrées, les décombres restent sur place. En contraste, ce qui nous a frappés, c’est la vitalité des habitants qui sont actifs et qui occupent les espaces dévastés avec toutes sortes de petits commerces. Les moindres recoins sont occupés par des tentes. Nous avons vu beaucoup d’enfants en uniforme d’école… Les ruines et l’espérance cohabitent !
Nous avons fait une halte chez les filles de Marie Reine Immaculée dont la supérieure générale, Marie-Françoise Gibbs, a fait l’Institut il y a plusieurs années et qui collabore étroitement au projet IFHIM-Haïti. Elle sera avec nous pour les 2° et 3° sessions. Les sœurs ont perdu deux des leurs ainsi que trois filles qui résidaient chez elles. Leur maison générale, leur noviciat, leur centre d’accueil ne sont plus qu’un tas de gravats. Elles campent sur leur terrasse… Un exemple parmi tant d’autres de trajectoires de vie fortement modifiées depuis le 12 janvier… Leur adaptabilité nous a édifiés.
Nous sommes revenus vers notre logement avec tout ce que nous avons vu et vécu, graves et déterminés à aider les personnes qui ont vécu le traumatisme du séisme à voir leurs forces à l’œuvre au cœur du drame, leur amour présent pour sauver la vie… et pour reconstruire leur pays.

Commentaire:
Marie-Odile je suis très heureuse d'avoir des nouvelles de votre arrivée. Déjà à l'Institut Denise Lauture avait envoyé des nouvelles de la caravane. Union de coeur et de vie à tous.Et bonne sesion! Annie osu



Première session à Ségur (Banlieue de Port au Prince)

Vendredi 11 juin

Nous avons commencé la session avec les Filles de la Sagesse ce matin. Un véhicule est venu nous prendre à notre lieu de résidence à 8h passé et nous avons commencé par la messe du Sacré Cœur avec les sœurs, messe célébrée par Jean-Paul, Père Missionnaire d’Afrique originaire du Burkina Faso, membre de notre caravane.
Nous avons commencé la session en nous présentant, puis Jeanne a invité les sœurs à partager une perle précieuse puisée dans leur expérience de vie. Avant d’entrer dans l’expérience traumatique chacune est invitée à voir en elle-même sa propre richesse, sa solidité que le séisme n’a pu détruire. Nous avons commencé en grand groupe et poursuivi en petites équipes, ce qui permet la prise de parole par toutes. Plusieurs se sont exprimées avec liberté, partageant des expériences de vie récentes ou plus anciennes, que leurs consœurs ignoraient. Nous avons récolté suffisamment de perles pour faire un collier splendide ! Pourtant, les sœurs ne sont pas habituées à parler d’elles… Dans mon petit groupe, certaines ont exprimé clairement cela, les plus âgées résistaient au nom de l’humilité. Plus la journée avançait, plus les sœurs ont partagé des expériences de leur vie. Le lien avec la vie de leur fondatrice (Mère Marie-Louise) et leur fondateur (le P. Grignon de Montfort) les a acheminées vers la joie de découvrir qu’elles vivaient leur charisme sans le savoir, de manière concrète. Dans mon équipe, une sœur a soigné une des leurs atteinte de la maladie d’Alzheimer. Alors que cette sœur n’arrivait pas à dormir, elle s’est faite proche d’elle, lui a parlé, lui a raconté des histoires, lui a caressé le dos, l’a aidée à trouver une position confortable… Elle a trouvé dans la vie de sa fondatrice un moment où celle-ci a posé des gestes semblables, guidée par le même amour, vis-à-vis d’un vieillard de l’hôpital de Poitiers où elle a servi pendant 10 ans. La sœur a vu aussi qu’elle s’était comportée comme Marie… Demain, nous poursuivrons dans le même sens. Nous pourrons peu à peu avancer vers leur expérience traumatique, car elles ont commencé à voir et verront davantage leur solidité intérieure, et la continuité dans le don d’elles-mêmes qui les a habitées pendant que la terre tremblait et que leur maison s’est effondrée sur elle pour les garder prisonnières. Déjà aujourd’hui, l’une d’elle partageait son admiration pour sa compagne qui a demandé aux secours de sortir des décombres une autre sœur avant elle…
Ces sœurs de notre première session sont les sœurs âgées de la Congrégation des Filles de la Sagesse qui en raison de leur âge ne pourront pas se déplacer pour aller à Béraud (Sud Ouest du pays) pour notre deuxième session. En fin de journée, elles semblaient rajeunies, et les visages étaient rayonnants ! Et nous aussi, nous sommes rentrés heureux-ses de leur joie.
En rentrant, les deux hommes de notre caravane ont commencé d’actualiser les forces des deux jeunes hommes (28 et 29 ans) qui ont été amputés suite au séisme. L’objectif est de les aider à voir que leur amour, leur sens de la vie n’a pas été amputé par le séisme. Ils ont vu aujourd’hui des expériences de leur vie antérieure sur lesquels pourra se poursuivre leur restauration : l’énergie mise pour apprendre un nouveau métier pour l’un et le sens du service des autres pour le second, séminariste. La restauration s’appuiera comme toujours sur ce qui est solide dans leur vie.
Voici mon écho de ce jour. La mission est belle et riche.


Samedi 12 juin

Nous sommes en Haïti depuis maintenant trois jours. La chaleur ne faiblit pas : autour de 35°C dans la journée ; les nuits sont heureusement légèrement plus fraiches et permettent à nos corps de se détendre un peu. Hier soir j’ai été malgré tout courir et marcher dans le campus du CAFOJ qui nous héberge. J’ai croisé et échangé avec les nombreux séminaristes qui y résident : ils sont 145 qui vivent sous des tentes (les « philos » d’un côté et les « théos » d’un autre…) puisque les séminaires d’où ils viennent ont été détruits. L’un d’eux m’a dit que depuis le 12 janvier, à chaque fois qu’ils entendaient un bruit inhabituel, ils se mettaient à courir en tous sens… Il trouvait dur de vivre sous la tente avec cette chaleur… Je lui ai demandé où et dans quelles conditions Celui qu’il avait choisi de suivre avait vécu… Il dormait sous tente ou sans tente dans les nuits chaudes de Palestine. Je lui ai aussi posé la question du sens que pouvait prendre pour le futur pasteur qu’il était de partager les conditions de vie qui étaient celles de beaucoup de ses futurs paroissiens… Cela lui a ouvert un horizon. Cette nuit à 4h du matin nous avons été réveillées par une sœur qui partage notre dortoir. Elle avait cru entendre un bruit devant nos fenêtres et était littéralement paniquée. Je me suis levée, ai ouvert la porte de notre chambre pour lui faire constater qu’il n’y avait rien d’anormal et l’ai invitée à se recoucher calmement.
Le deuxième jour de la session a tenu ses promesses. Les sœurs partagent de plus en plus facilement. Le lien qu’elles ont fait hier entre leur charisme et leur vie les a aidées à voir aujourd’hui que les séismes font partie de leur charisme : dans leur congrégation, elles ont pu nommer les « séismes » de toutes sortes qu’ont traversés leur fondatrice et leur fondateur et toute leur communauté depuis ses débuts et aussi depuis son installation en Haïti… Des secousses fortes, des ébranlements ravageurs, des événements destructeurs inattendus (décès, Révolution et guerres, division internes, incendies et cyclones, persécutions, etc.) qui les ont amenées à créer et innover, à opérer des changements radicaux dans ce qu’ils/elles avaient d’abord entrevus, imaginés, initiés et fondés.
Tout ce travail nous a permis de nous approcher des séismes de leur vie. Ce matin, en petit groupe, j’ai relu une sœur âgée qui a vécu un cyclone il y a plusieurs années. La maison dans laquelle elle vivait avec d’autres consœurs a été secouée par un vent fort. Le toit s’est soulevé plusieurs fois jusqu’à s’envoler. Elles se sont réfugiées dans une salle du rez-de-chaussée. La sœur a perçu que le loquet de la porte se soulevait lorsque les rafales de vent devenaient fortes… Si la porte s’ouvrait le cyclone allait entrer à l’intérieur et dévaster toute la maison. Elle est restée à maintenir fortement le loquet en place, assise sur une petite chaise, la moitié de la nuit jusqu’à ce que le cyclone s’écarte.
Au terme de la relecture, elle a vu que ce n’était pas seulement la Providence qui l’avait sauvée, que Dieu s’était servi de ses perceptions, de sa décision, de sa persévérance et de ses muscles pour tenir le loquet et empêcher au vent d’entrer. Elle a pris conscience, pour la première fois de sa vie, qu’elle avait sauvé sa vie et celle de ses sœurs ! Et elle a vu que c’était bien elle, la même personne qui, dans l’expérience qu’elle nous avait partagé hier, avait pendant une année entière apporté du lait au sanatorium à une jeune femme tuberculeuse qui y avait été admise à la suite de ses démarches : la détermination et la persévérance sont en elle… et Dieu passe à travers son engagement !
Cette sœur âgée avait de la difficulté à parler d’elle et à dire devant d’autres ce qu’elle avait fait. Elle y voyait un manque d’humilité. Je lui ai demandé si elle savait combien il y avait eu de témoins présents à l’Annonciation… et elle a vu que si Marie n’avait pas rapporté cet événement et n’en avait pas parlé, son Fiat, n’aurait pas été connu… Toute proportion gardée, elle était fidèle à son charisme en acceptant de voir et de partager sa persévérance à tenir ferme le loquet de la porte pendant plusieurs heures, disant "oui" à la vie pour elle et ses sœurs...
L’après-midi, toujours en équipe, j’ai travaillé avec une sœur qui a vécu ces dernières années le décès de plusieurs de ses compagnes, et en particulier celui des 6 sœurs qui sont restées sous les décombres le 12 janvier dernier et dont les noms sont déposés en gerbe dans un petit vase sur l’autel de leur chapelle. Il y a un an, cette sœur a prodigué des soins « comme une maman pour son enfant » et a accompagné une compagne qui ignorait qu’elle allait mourir. Elle l’a aidée à prendre conscience avec délicatesse et douceur qu’elle ne pourrait peut-être plus prendre l’avion pour aller voir ses parents et l’a préparée à « prendre l’avion du Bon Dieu »… Cette expérience l'a aidée ensuite à aller voir comment elle avait été une mère pour une de ses compagnes qui avait pris « l’avion du Bon Dieu » le jour du séisme : cette compagne qui s’inquiétait peu avant son décès du coût trop élevé d’un cercueil… n’en a pas eu besoin, elle est restée sous les décombres. Le jour même du séisme, 3 heures avant son départ, cette sœur malade avait fait sous elle. La sœur que je relisais a tout essuyé avec une grande délicatesse en faisant tout pour éviter de l’humilier ou de la blesser. Cette compagne est partie en emportant avec elle les soins offerts avec tant de douceur, l’attention et l’amour donné. J’ai invité la sœur à lui parler puisque dans la foi elle croit qu’elle est auprès de Dieu : elle lui a dit « Merci, merci de m’avoir appris à aimer dans la gratuité, le dépassement… Aide-moi à continuer à le faire pour d’autres ! » Nous avons vécu un moment très intense avec les autres sœurs qui étaient là. Et je crois bien que ce moment a été restaurateur pour elles aussi.
Ce qui m’a particulièrement touchée en ce jour c’est l’importance dans le dialogue restaurateur de prendre très au sérieux la foi et le charisme des personnes tout en leur faisant prendre conscience de leur participation active et engagée : le 100% de Dieu et le 100% de chacun et chacune de nous sont aussi importants !

Commentaire:
Merci de partager ainsi tous ces moments extraordinaires pour qu'on puisse y réfléchir, méditer, voir autrement notre propre vie ...

Dimanche 13 juin

Notre session à Ségur (banlieue de Port au Prince) avec les sœurs âgées des filles de la Sagesse s’achève aujourd’hui. Les sœurs ont pris conscience de l’importance des petites choses du quotidien et qu’à travers des gestes apparemment anodins, la vie circule, l’amour prend corps, le charisme devient vivant et présent. Leur charisme, l’héritage de leurs fondateur/trice et des sœurs qui les ont précédées dans leur histoire, tout cela est une ressource, une boussole pour aujourd’hui.
Ce qui me frappe au soir de ce jour qui clôture la session, c’est la profondeur humaine et spirituelle des fruits récoltés à la suite de la démarche que nous avons proposée. L’itinéraire que nous avons proposé comportait les étapes expérimentées par Marie-Marcelle Desmarais avec la caravane d’Avril. Jeanne et notre caravane l’avons suivi avec souplesse en nous adaptant à l’âge des sessionnistes qui a donné une couleur particulière à cette session, à sa durée (trois jours seulement) et à ce que les personnes apportaient. Le fait que toutes les sœurs appartiennent à la même congrégation a été un élément important, permettant de faire des liens innombrables avec leur charisme.
Personnellement, j’ai vu, avec une force nouvelle en ces jours, grâce à cette articulation entre restauration et charisme, que la formation humaine intégrale et son versant de la restauration des forces dans l’expérience traumatique est un chemin de vie en même temps qu’un chemin qui nourrit la foi, l’affine et la purifie (pour des personnes croyantes, comme le sont ces haïtiennes avec qui nous étions). Impossible de tout rapporter à Dieu lorsque les sœurs partagent tout ce qu’elles ont fait et mis en œuvre pour sauver leur vie, pour sauver des vies, pour redonner courage et force à leur entourage. Impossible aussi de ne rapporter qu’aux seules ressources humaines ou au simple hasard des signes forts : une sœur Directrice d’un grand établissement qui s’est effondré, rentrait chez elle en communauté. En passant, elle voit les élèves qui attendaient qu’on vienne les chercher dispersés sous les galeries. Elle les invite à se grouper au milieu de la cour et rentre dans sa chambre pour se préparer pour la prière. Quelques minutes après, les murs se mettent à bouger, les parois s’effondrent, les galeries s’affaissent… les enfants sont épargnés ! Sa demande aux élèves n’était pas habituelle, pourtant elle ne soupçonnait pas que le séisme allait arriver… Comment ne pas voir l’inspiration de Dieu ? Sa part à elle, que je l’ai aidée à voir dans la relecture, c’est d’avoir suivi son intuition intérieure et son autorité d’éducatrice respectée qui fait que les élèves lui ont obéi et ne sont pas retournés sous les galeries après son passage : ils lui doivent la vie ! Pour une autre sœur, dans la maison des sœurs âgées, la Providence a pris un autre visage : alors que le plafond s’écroulait, elle a été épargnée par un abri qui s’est constitué de lui-même : son lit s’est renversé lui servant de dossier tandis que sa table a glissé jusqu’au lit pour protéger ses jambes. La sœur n’attribue pas au seul hasard la constitution de ce refuge qui l’a protégée. Sa part à elle c’est qu’en priant à voix forte, elle s’est fait entendre des secours et qu’ensuite, elle a déployé toute son énergie, en dépit de son vieil âge et de ses multiples perclusions, pour aider l’homme qui l’a sortie, la hissant à travers la fenêtre brisée et la faisant descendre par une échelle sur ses épaules…
A la messe, je rendais grâce d’avoir été témoin du miracle de la multiplication des perles ! Que de beauté chez ces femmes âgées, de trésor d’amour, de délicatesse, de persévérance, de fidélité à leur vocation, de foi, de créativité, de maternité vécue… J’ai été témoin, mais aussi, grâce à ma formation, j’ai été artisan, à la manière des apôtres lors de la multiplication des pains !
Une sœur me partageait hier soir et d’autres l’ont confirmé, que l’unité de notre équipe internationale la frappait beaucoup et l’émerveillait. Et c’est vrai qu’étant de 6 nationalités, nous marchons ensemble dans cette caravane pilotée avec sûreté et compétence par Jeanne !
Nous allons poursuivre ces jours-ci en élargissant notre caravane avec trois Haïtiennes qui vont nous rejoindre : nous serons 10 de 7 nationalités !

Commentaire:
La multiplication des perles ... Quelle belle image !!! J'adopte pour voir les petites choses ou plus grandes de manière autre !!

Lundi 14 juin

Journée de voyage entre Port au Prince et Béraud, proche des Cayes (Sud Ouest d’Haïti), chez les sœurs de St François d’Assise de Lyon qui hébergent notre session comme elles avaient accueillies les trois sessions du mois d’avril. Signe de la solidarité internationale, cette fois-ci, ce n’est pas la communauté accueillante qui prend en charge les frais de sessions de toutes les autres sœurs (et en particulier celles des congrégations autochtones qui sont plus pauvres et ont perdu beaucoup dans le séisme), cette fois-ci donc, c’est la communauté des Filles de la Sagesse.
Le voyage a été éprouvant en raison de la température, de la longueur de la route, et des méandres de l’itinéraire pour sortir de Port au Prince prendre au passage Marie-Françoise et déjouer les « blocus » (ie. bouchons !). Mais nous avons pique niqué au bord de la mer, superbe et chaude, dans laquelle j’ai pu seulement tremper mes pieds… C’était peu mais bon !
Pendant le voyage je repassais les jours vécus et voyais plus clairement toute l’importance du travail que nous avons accomplis avec les sœurs âgées. Je me réjouissais en pensant à ces doyennes de 75, 86 et 91 ans à qui nous avons permis de voir et de recueillir quelques perles de leur dizaines d’années d’engagement. Les sœurs ont perdu leurs archives restées sous les décombres ou pillées avec les autres biens de leur maison... D’avoir pris conscience que le charisme de leur congrégation est en elle, qu’elles le portent et l’incarnent les a aidées à voir l’importance de transmettre aux plus jeunes ce qu’elles savent et aiment de la vie de leur fondateur/trice.
En leur permettant de voir, dans leur expérience, toute l’importance de leur part à elles, associée à celle de Dieu, je voyais combien ces sœurs pourraient aider leurs frères et sœurs à ne pas compter seulement sur la Providence pour reconstruire Haïti. Quel visage de Dieu et quelle participation pour l’homme et la femme pour quelqu’un qui croit que Dieu fait tout, qu’il sauve qui il veut et laisse périr qui il veut ? Et quelle autre relation avec Lui et quel engagement, quelle responsabilité et quelle dignité en découlent pour la personne qui, au contraire, croit que Dieu agit dans sa vie et passe par elle à travers toutes les initiatives qui construisent, unissent, tissent la paix, renforcent la vie, prennent le visage de l’amour… Les forces vitales humaines qui dépendent, comme leur nom l’indique, de l’humain en nous ne seraient-elles pas les pains et les poissons dont Dieu se sert pour nourrir nos peuples, les « restaurer » dans le sens des vivres matériels et de la nourriture affective ?
Je repensais à la sœur qui a demandé aux enfants de se regrouper au centre de la cour de récréation, sans savoir que quelques minutes après les galeries qui les auraient écrasés allaient s’effondrer. Hasard ? Providence ? Intuition ? Perception diffuse que quelque chose va se passer ? Et si Dieu habitait chacune de ces hypothèses ? Pour le croyant et en tous cas pour moi, elles ne sont pas incompatibles, elles ne s’excluent pas. Elles ne prennent sens que dans la relation, l’interaction profonde entre les forces vitales humaines qui convergent vers l’amour et Dieu qui n’est qu’Amour !
Ce soir, nous sommes arrivés à Béraud, dans un havre de paix dans lequel les sœurs éprouvées vont pouvoir venir se refaire… Personnellement, je ne vais pas tarder à aller me coucher pour faire provision d’énergies pour la session qui arrive.

Seconde Session à Béraud (près des Cayes)

Mardi 15 juin

Aujourd'hui, nous avons eu une journée plus calme pour nous permettre de nous préparer à la session de 6 jours qui commence demain avec 64 participant(e)s.
Nous avons pris un bon temps pour nous présenter mutuellement, car si nous avons tous étudiés à l'IFHIM, ce n'est pas tous à la même période. C'était beau d'entendre chacun partager comment il avait mis en œuvre la formation reçue dans sa mission.
La session se déroulera en créole. Ceux et celles qui ne le parlent ou ne le comprennent pas auront un traducteur ou une traductrice.
Nous poursuivons l'objectif de permettre aux personnes traumatisées d'être restaurées dans leurs forces tout en les équipant à devenir des "secouristes de restauration". La session d'avril a porté du fruit en ce sens, les échos qui sont parvenus à l'Institut plusieurs semaines après montraient que les personnes s'engageaient autour d'elles pour aider leurs frères et sœurs à se remettre debout pour reconstruire Haïti autrement. Bien sûr au terme d'une session de 6 jours, ils ne peuvent accomplir le travail de la même manière ni avec la même profondeur restauratrice que nous qui avons deux ou trois années de formation, mais ils peuvent aider les personnes avec ce qu'ils ont reçus.

Mercredi 16 juin

Nous avons commencé aujourd'hui notre deuxième session avec 62 participant(e)s dont 8 hommes, venus de tous les coins d'Haïti. Chaque sessionniste s'est d'abord présenté. Beaucoup disaient qu'ils étaient venus pour "se récupérer" après le séisme. Certains ont ajouté qu'ils venaient aussi s'équiper pour les autres. Après cela les 10 membres de la caravane, nous avons exprimé ce qui nous avait amené à dire "oui" à l'appel pour faire partie de cette mission et nous avons aussi partagé notre propre expérience de restauration. Cela a rejoint les participants et leur a permis d'approfondir leur objectif.
La fin de matinée et l'après-midi ont été consacrées à la première clé, sans laquelle il n'est pas possible d'entrer dans la restauration de l'expérience traumatique : la gestion des émotions par les moyens physiques des contractions et décontractions musculaires intenses. Nous avons pratiqué en équipe et tous ensemble quelques exercices pour que chacun puisse goûter la détente procurée et le recouvrement du bien être (ou au moins d'un relatif bien être). Les sessionnistes sont entrés sans difficulté dans cette expérience qui leur a fait du bien de se faire proche de son corps et de prendre soin de lui... Pour certains participants, entrevoir ainsi un moyen qui permet de prendre en charge ses émotions est une véritable découverte qui ouvre un horizon qui leur permet d'espérer pourvoir se libérer des peurs et du stress vécu. Bien sûr nous savons qu'il ne suffit pas de faire des exercices pour dénouer les nœuds traumatiques, mais sans la gestion des émotions, il n'est pas envisageable d'avancer, tellement le corporel et le psychique sont imbriqués.

Jeudi 17 juin

La session s'est poursuivie dans la joie, avec l'engagement des personnes qui s'exprime sans difficulté aussi bien dans le grand groupe que dans les équipes. Je suis frappée par le témoignage de ces femmes et de ces hommes qui cherchent à rejoindre les plus pauvres et les plus démunis. Telle congrégation accueille les personnes âgées en les recueillant dans les rues, les soignant et les hébergeant, telle autre s'ingénie pour trouver des solutions pour les élèves démunis. Nous avons recueilli aujourd'hui des expériences dans lesquelles les personnes avaient aimé, et en en prenant plusieurs au début de leur vie comme plus récemment, elles ont pu voir la continuité de leur manière propre d'aimer. C'est avec ce fil d'or (ou ce collier de perles) que les personnes ont visité les personnes significatives de leur congrégation (fondateur/trice) ou de leur vocation... et que prochainement, nous pourrons aborder leur expérience traumatique, celle qui provient du séisme du 12 janvier comme d'autres traumas plus anciens.

Vendredi 18 juin

La session se poursuit avec des personnes qui participent et découvrent leur capacité d'aimer, leur paternité et maternité universelle au service des personnes, celles de leur peuple éprouvé mais aussi potentiellement, de toute personne au delà des différences. La journée d'aujourd'hui a été orientée vers la découverte des piliers qui en chacun-e constitue sa solidité : même si les maisons se sont effondrées, même si les immeubles se sont affaissés, les piliers dans les personnes ne sont pas détruits. C'est en les ayant découvert davantage que chacun va pouvoir entrer progressivement dans son expérience traumatique. Marie-Marcelle Desmarais, Directrice de l'IFHIM et "découvreuse"-initiatrice de la démarche de restauration des forces dans l'expérience traumatique, répète souvent : "on ne va pas à la fosse commune les mains vides". Elle a découvert la démarche dans le contexte du génocide Rwandais et l'expression a tiré son sens de ces fosses où étaient jetés pèle mêle les cadavres des personnes sauvagement tuées. C'est seulement lorsqu'une personne a été consolidée intérieurement en ayant vu les perles de sa vie, son amour, en ayant actualisé le sens profond qu’elle veut donner à sa vie, en ayant pris conscience de sa solidité intérieure qui demeure en dépit des ébranlements et dépouillements que la vie lui a réservé, c'est seulement lorsque nous pourrons être assurés qu'elle a assimilé et pratiqué des moyens pour faire face à ses émotions par des contractions et décontractions musculaires intenses que nous pouvons entrer avec elle dans la partie traumatique de son expérience, car nous avons des leviers pour l'aider à sortir du trou, de la fosse, du gouffre, des décombres... qui entravent sa liberté, l'empêchent de voir son amour en acte au cœur du drame. En fin d'après-midi, nous avons exploré si chacun avait véritablement acquis ces préalables que je viens de citer. Il ne s'agit pas d'aboutir à des décompensations ou à des contagions émotives collectives... Nous avançons pas à pas avec les personnes et en ne perdant pas de vue que nous voulons les équiper pour en aider d'autres comme "secouristes de restauration".

Samedi 19 juin

Je serai brève ce soir car il est déjà tard et comme les journées sont bien denses, je ne veux pas retarder l'heure d'aller me coucher. Nous sommes entrés aujourd'hui dans les expériences traumatiques. Avec tous les préalables, ces expériences peuvent être travaillées sans que ce soit dramatique. Quelle que soit l'expérience, nous allons chercher les décisions prises par la personne au cœur du drame, ce qu'elle a fait juste avant et après qui fait sens pour elle... Nous rencontrons ses valeurs, sa foi, son charisme, ce qui donne sens à sa vie : elle détache les yeux des ruines et de la mort et recommence à voir la vie et l'amour qui sont en elle, qu'elle a conservé, qu'elle a donné, qu'elle a multiplié...
Pour moi, j'ai travaillé aujourd'hui avec 6 personnes. Chacune avait vécu le décès d'une ou plusieurs personnes proches. En empruntant des chemins différents, j'ai pu amener chacune de ces personnes à voir que son lien avec la ou les personnes décédées n'était pas rompu, que la personne était partie avec son amour, vu plus précisément dans tel acte concret, tel échange vécu peu avant le séisme. Le lien se poursuit aussi par la fidélité de la personne à ce qu'elle a reçu de celui ou celle qui est resté-e sous les décombres. Le fait que les personnes avec qui nous travaillons sont des personnes de foi aide à actualiser le lien au présent.
La foi des Haïtiens et Haïtiennes est assurément un soutien fort pour eux actuellement. Aucune des personnes rencontrées pour le moment n'attribue à Dieu la responsabilité du séisme... Heureusement! Nous travaillons pour les aider à voir que Dieu agit à travers eux, grâce à leur décision prise avec leur ouverture.

Dimanche 20 juin

La météo a été marquée par la pluie et l’orage qui ont amené un peu de fraicheur. Nous avons poursuivi le travail de restauration des forces dans les expériences traumatiques des participant(e)s. Jusqu’à présent les personnes de mon équipe ont toutes apporté des expériences de deuil suite au séisme. J’ai travaillé avec chacune de manière unique, car chaque expérience est singulière, tout en employant des pistes proches : relecture d’une expérience significative dans laquelle le lien avec la personne a été vécu ; à travers cette expérience, recueil de son héritage, et aussi de ce qu’elle a emporté avec elle de l’amour manifesté. Pour toutes et tous, l’appel à la foi et la communion des saints permet de maintenir le lien dans l’actuel. J’ai invité plusieurs personnes à parler à celui ou celle qui est parti ou à l’écouter à l’intérieur de lui-même puis à nous en dire quelque chose. A chaque fois, cela a été un moment de forte émotion et de grande beauté. Les références à la parole de Dieu et à la vie des fondateurs permettent de situer le lien dans le sens de la vie, la source.
A la suite de ce qu’elle avait commencé hier, Jeanne a travaillé plusieurs expériences dans le grand groupe. En reprenant en équipes ce travail, chacun-e pouvait dire comment il/elle avait été rejoint-e et le bout de chemin que cela lui avait permis de faire. Pour mon groupe, c’était particulièrement intéressant car le fait d’avoir entendu d’autres types d’expérience dans le grand groupe a permis d’élargir le regard à des parties d’expériences traumatiques que les personnes n’avaient pas apportées. En particulier les maisons de plusieurs communautés situées dans des quartiers sensibles ont été pillées, dévalisées juste après le séisme : au lieu de porter secours aux sœurs, des gens sont venus emporter leurs effets personnels, leur argent, leurs biens, leurs papiers… Leurs archives ont été déchirées… Dans certains cas, les anneaux ont été arrachés aux doigts des cadavres des soeurs, parfois en arrachant le doigt. Comment ne pas être en colère, révolté, amer devant de tels comportements, alors que pendant des années les sœurs se sont dévouées au service des habitants du quartier ? Comment comprendre que les gens viennent arracher les tôles, les fenêtres, les pupitres de l’école qui accueillait leurs enfants ? Comment continuer à travailler dans ces quartiers, à accueillir les gens, à les aimer après de telles actions ? Accueillir la colère comme normale est un premier pas, le second qui a été ouvert est de prendre les moyens pour que l’amour l’emporte sur la colère. Un processus qui peut être long, mais que toutes les personnes de mon groupe sont décidées à emprunter ! Pardonner n’est pas effacer le passé mais inventer un avenir… Reconstruire Haïti, ce n’est pas seulement rebâtir des maisons ou des bâtiments, mais aussi prendre conscience de l’éducation à l’ouverture qui a manqué à ces personnes qui ont pillé au lieu de sauver des vies et s’engager à ce travail de construction des personnes sur des piliers solides, les forces, et en particulier la force des forces, l’amour !

Lundi 21 juin

Le dernier jour de la session à Béraud a été très riche en émotions tellement chacun de nous, aussi bien accompagnateur(e)s/aidant(e)s que participant(e)s, avons vécu intensément ces jours-ci. Les sessionnistes ont traduit la joie qui les habitait ainsi que leur engagement à poursuivre autant la prise en charge de leurs émotions que le processus de pardon. Ce matin dans les équipes puis dans le grand groupe, nous avons travaillé la manière dont ils/elles pourront aider les personnes qu’ils/elles vont retrouver comme secouristes de restauration. Sans s’aventurer dans la restauration des forces dans les expériences traumatiques pour laquelle ils/elles ne sont pas équipés, ils/elles peuvent leur apprendre à prendre soin d’eux avec tendresse, veiller à élargir leur ouverture, les guider dans la recherche des perles de leur vie, etc. Comme je l’ai dit précédemment, nous avons mis un accent tout spécial vers l’éducation des enfants de la rue.
J’ai poursuivi les restaurations dans mon équipe avec deux personnes. Une par un travail en équipe et une seconde en entrevue particulière. Tous les traumas ne peuvent être travaillés collectivement, car certains sont liés à des dynamiques psychiques particulières, d’autres mettent en cause des personnes dont les participantes ne veulent pas parler devant d’autres qui les connaissent, et enfin pour des raisons de temps. C’est ainsi qu’en dehors des heures de travail en groupe, nous voyions des sessionnistes en soirée ou le matin après la messe. Personnellement, j’ai accordé 8 entrevues individuelles. Cela m’a permis de faire d’aller plus loin dans le travail de restauration avec des petits bouts relatifs à l’inconscient, à la fausse représentation.
En fin de journée, chacun-e a pu partager une fleur du bouquet avec lequel il/elle repart. C’était très beau de recueillir ainsi les fruits de cette session. Au moment de se dire au revoir, plusieurs m’ont dit qu’il/elles étaient venus découragés et sans espoir et repartaient avec un élan vital retrouvé, leur amour restauré. Nous savons d’après les échos des sessions d’avril que ce changement n’est pas qu’un feu de paille et que la restauration remet durablement les personnes debout, avec leurs forces qui se traduit par un engagement renouvelé.
Demain, nous reprenons la route de Port au Prince pour aborder une nouvelle session. Cette fois-ci, nous serons avec des laïcs, des personnes responsables dans 4 camps…

Mercredi 23 juin

Nous avons eu de la chance pour notre trajet entre Béraud et Port au Prince car la température était clémente. La nuit a été agréable et relativement fraiche et bien reposante… Couchée à 20h30, je me suis levée à 7h15… De quoi me remettre en forme pour notre troisième session qui sera toute différente puisque nous nous adresserons à des personnes démultiplicatrices venant de 4 camps différents. L’horaire de la session sera adapté pour leur permettre de rentrer tôt chez eux, et aussi pour tenir compte de la saison cyclonique : pluie et vent violents menacent régulièrement. Pour le moment nous n’avons connu que de fortes pluies tropicales alternant avec des averses et des accalmies.

Le chemin du retour depuis Béraud nous a permis d’observer que les effondrements de maisons commençaient à partir de Petit Goave. Les zones de Léogane et de Port au Prince ont été particulièrement affectées comme l’ont fait savoir les médias. J’ai été particulièrement touchée par la vue de l’université de Port au Prince (entre Léogane et Port au Prince, 5 étages littéralement aplatis) la traversée de Carrefour (maison d’accueil et hâvre pour leur sœurs âgées de plusieurs étages des Filles de la Sagesse , elle aussi réduite à rien), et du quartier de Port au Prince appelé « Le belair » dans lequel les Filles de Marie avaient leur maison provinciale et une école qui est maintenant déblayée) : dans ces lieux, plusieurs des personnes que nous avons restaurées jusqu’à maintenant ont perdu des êtres chers.
Nous avons été accueillis dans la maison des Missionnaires du Christ Roi. Finalement, nous ne dormirons pas sous tente comme il était initialement prévu car leur maison fissurée a été consolidée et elles l’ont réintégrée. L’expérience aurait été intéressante qui nous aurait mis en communion avec les personnes des camps avec qui nous allons travailler les 5 prochains jours. D’un autre côté, considérant la chaleur et la pluie et notre manque d’habitude, le fait de dormir dans de bonnes conditions nous permettra sans doute d’accomplir notre mission avec plus de présence.

En traversant Port au Prince et depuis notre arrivée, Evodia, Denise et Silmène, religieuses haïtiennes anciennes de l’IFHIM avec qui nous faisons caravane, nous ont partagé plusieurs faits troublants de la part des ONG ou d’individu sans scrupule… Le manque de considération dans les jours qui ont suivi le séisme et encore maintenant pour les personnes qui travaillent sur place est choquant. Certains membres des organismes (médecins, infirmiers, etc.) ont investi des hôpitaux et cliniques privés sans même consulter les Haïtiens/nes qui en sont responsables, y travaillent, et en sont même parfois propriétaires (ex : congrégations religieuses) les dépossédant quasiment de leurs locaux et de leur compétence. D’autres ont profité de la situation de détresse pour venir faire de l’argent, en se faisant appeler « docteur » sans aucune compétence médicale, en faisant miroiter aux yeux des sœurs des programmes d’aide (par exemple prothèses) qui ne sont jamais venus, etc. Le plus ennuyeux est l’effet pervers produit par les aides procurées aux seuls habitants des régions touchées (Port au Prince, Léogane, etc.) : alors qu’un mouvement de départ vers la province s’est esquissé au lendemain du séisme, les personnes qui étaient parties, une fois épuisés les vivres de leurs hôtes généreux, reviennent vers la capitale pour profiter des subsides versés par les Organismes. D’autres qui vivaient déjà en province affluent vers Port au Prince pour la même raison. Ainsi, au lieu de permettre une décentralisation qui aurait réduit cette mégapole ingérable même avant le séisme, l’aide internationale provoque l’effet contraire… Et dans le même temps, le dégagement des décombres se fait à une vitesse réduite, à la pelle, à la brouette et au seau, là où des caterpillars auraient été vraiment utiles.
Comment faire pour éviter que les personnes engagées dans l’humanitaire avec parfois toute leur bonne volonté et d’autres fois attirés par l’appât du gain, de la réputation ou la soif de pouvoir ou d’aventure ne viennent accroître les désastres en traitant les urgences sans vision et les sinistrés du pays comme des numéros, des "bénéficiaires" et non comme des personnes ?
Le tableau sévère que je dresse ne peut effacer le fait que la première aide d’urgence liée à la générosité internationale a pu éviter des conséquences de dénutrition et d’épidémie qui auraient augmentées le drame. Mais plus de 5 mois après le séisme, une seconde phase ne semble pas s’être enclenchée.

Session à Cazeau (Quartier de Port au Prince)

Jeudi 24 juin

Notre 3° session s’adresse à des laïcs exerçant une responsabilité venant de 4 camps de déplacés de Port au Prince administrés par les jésuites (JRS) : les camps Henfrasa, Automeca, Parc Kolofe et Palais de l’Art. Ils sont au nombre de 67 (une majorité d'hommes et un nombre de femmes tout de même important). Nous sommes une formatrice (Jeanne), 9 personnes aidantes plus quatre traducteur/trices pour les accompagner.
A partir de 8h, nous accueillons les participants. Dès ce moment, nous avons perçu que le défi serai différent des sessions précédentes :
• les inscrits et les présents ne coïncidaient pas du fait de nombreux « remplacements »,
• les participants du 4° camp sont arrivés seulement à 9h15,
• la session se déroule dehors avec des chaises disposées sous des manguiers : le vent très fort puis la pluie nous ont amenés à vivre beaucoup de mobilité ! Entre midi et 14h30, la pluie nous a conduits à nous regrouper en équipe sous les galeries des Pères Scheutistes qui nous accueillent dans leur propriété,
• pour la plupart la traduction français-créole est nécessaire ce qui impose la médiation constante d’un traducteur pour ceux/celles d’entre nous qui ne maîtrisons pas le créole,
• l’objectif de la session avait été inégalement transmis par les responsables qui ont inscrit les personnes,
• certains avaient des attentes concernant une aide matérielle et/ou un « certificat »,
• les sessionnistes vivent depuis 5 mois sous tente dans des conditions extrêmement précaires…
• la moyenne d’âge nous a semblé d’emblée très jeune (à première approximation 25-35 ans).
Après avoir vécu la matinée, nous avons constaté leur ouverture et leur désir d'aider les leurs : après les témoignages, ils ont tous évolués de la conception d’une session donnant des connaissances s’adressant à la tête à l’accueil d’un chemin de transformation personnelle en vue des autres. Tous sont affectés par le séisme et ses conséquences (par exemple, réaction au bruit, peur du béton, cauchemars, etc). A partir du partage de l'expérience personnelle de quelques uns d'entre nous, plusieurs d’entre eux ont pris conscience que la violence qui les habite, ne mène à rien et veulent arriver à la surmonter.

Après un repas de midi prit rapidement, nous les avons outillés en équipe pour gérer les émotions qui pourraient les envahir, le soir, à la suite des partages du matin. Nous avons fait vivre différents moyens de contractions/décontractions intenses, étirements, respiration, etc. Dans mon équipe, chacun a exprimé le bien-être ressenti, et la détente se lisait sur les visages. Une jeune femme avait le matin mentionné le fait que son cœur s'affolait chaque fois qu'elle entendait un bruit anormal, une autre a dit que dans les jours qui ont suivi le séisme, elle a beaucoup agit mais ensuite dans un second temps, elle a beaucoup pleuré et n'arrivait plus à dormir plus de trois ou quatre heures par nuit ; un autre a dit qu'il avait été littéralement paralysé, lui aussi quelques jours après le séisme... Ils ont vu les bienfaits de ces quelques dizaines de minutes d'exercices appropriés, et vont les partager dès ce soir à leurs proches (enfants en particulier).

Ils/elles sont repartis heureux d’avoir participé, d’avoir été rejoints dans leur personne et d’avoir été initiés à un moyen utilisable pour faire face à leurs émotions.

Nous les espérons tous à l’heure pour 8h demain !

A 16h, nous nous sommes rencontrés en caravane pour partager nos observations par rapport aux participants, aux conditions matérielles et aux traducteurs.
Une demande a été faite à Jeanne pour que nous puissions intervenir auprès de personnes d’un autre camp qui sont affectés par des croyances concernant des esprits qui rodent dans le camp. Le discernement demande à être poursuivi en faisant préciser la demande et en tenant compte de l’immensité des besoins v/ nos limites !

Vendredi 25 juin

La nuit a été fraiche et reposante et la journée moins venteuse que celle d’hier. La pluie a été remplacée par des chutes de mangues, et même d’une branche… Dans un temps de travail d’équipe, une mangue bien mûre est tombée sur le crâne d’un participant et a giclé sur la chemise et le visage de deux autres… Il y a eu plus de saleté que de mal, heureusement !
Au début de la matinée, plusieurs ont partagé ce qui avait cheminé en eux depuis la veille. Plusieurs ont fait des exercices pour se détendre, se relaxer, préparer leur sommeil. J’ai été frappée aussi par plusieurs récits relatifs à la colère qu’ils avaient réussi à modérer vis-à-vis de leur entourage ou de leurs enfants.
Jeanne a orienté la journée vers le développement de l’ouverture chez l’enfant puis l’adulte. Comme ils étaient invités à apporter leurs observations sur les tout-petits, j’ai vu dans le travail de groupe qui a suivi que cela les a exercés à partager des expériences et des faits bien concrets alors que la veille plusieurs avaient du mal à ne pas rester au niveau de l’expression d’idées et de principes généraux.
Dans les temps d’équipe, nous avons relu des expériences dans lesquels ils avaient été capables d’accueillir ou d’aller chercher ; nous avons contribué ensuite à leur faire prendre conscience de leur histoire d’ouverture et sa continuité depuis l’enfance en partageant plusieurs faits dans lesquels ils ont aidé ou tenu compte des autres, et enfin de parler des personnes qui ont été et restent sources de leur inspiration (père ou mère, oncle ou tante, voisin, enseignant(e), etc.). C’était une joie pour chacun de découvrir son ouverture et sa capacité d’aimer, et leur continuité dans sa vie.

Pour leur faire saisir le type d’expérience que je cherchais à relire, cela m’a demandé de faire preuve de créativité, de trouver plusieurs manières de les rejoindre. J’avais vu ce matin la traductrice avec qui je travaille et elle s’est bien ajustée en traduisant de plus en plus rapidement, au fur et à mesure que les participants parlaient. La différence de langue reste un véritable défi. En dépit de cela, les participants entrent bien dans la démarche et semblent bien heureux de cette session.

Samedi 26 juin

D’après ce que j’ai observé dans mon équipe, nous avons vécu un tournant aujourd’hui. Nous avons ce matin poursuivi le travail sur l’ouverture, à partir d’expériences concrètes vécues sur place. Jeanne les a d’abord invités à se parler deux à deux avec leur voisin. Ensuite, elle leur a demandé de se parler de nouveau deux à deux sur un autre sujet mais cette fois avec une personne avec qui ils n’avaient pas encore parlé depuis le début de la session. Ensuite ils ont eu à se rassembler par trois personnes qui ne se connaissaient pas. En équipe, nous sommes revenus sur ce qu’ils avaient vécu les trois fois. Certains ont vu qu’ils avaient attendu que quelqu’un s’approche d’eux, tandis que d’autres au contraire avaient pris l’initiative d’aller chercher. Une jeune femme de mon équipe s’est approchée d’une autre personne en lui demandant si elle acceptait de se mettre avec elle, tandis que d’autres ont fait signe avec directivité. Nous avons mis en évidence l’importance de s’accueillir, de se présenter au début et de se dire une parole de séparation à la fin du temps d’échange, ils ont aussi dégagé des éléments de l’attitude corporelle qui traduisait leur écoute, etc… Tous ces éléments, apparemment simples ont permis d’accéder à une nouvelle qualité d’attention mutuelle dans les temps d’équipe qui ont suivi.
En fin de matinée et en début d’après midi, Jeanne a parlé de la gestion des pulsions sexuelles dans la suite de ce que nous avions travaillé précédemment par rapport à la prise en charge de sa colère. La veille nous avions observé que, sur le temps de la pause de midi, certains avaient présentés des danses à fort caractère érotique… De telles danses se font dans les camps avec des enfants… et chacun peut deviner les conséquences en raison de la promiscuité. En lien avec cela et en élargissant à d’autres exemples, Jeanne a présenté les trois chemins : émotion, obligation et décision (libre, responsable et appropriée). Les forces vitales humaines sont absentes dans les deux premiers chemins, elles sont présentes dans le 3°. Les participants ont fait le lien avec leur propre expérience et très concrètement, dans mon équipe, j’ai vu et leur ai fait observer qu’ils avaient pris des décisions en ouverture, par exemple par rapport aux téléphones cellulaires, à leur position sur leur chaise, à leur décision de parler sans attendre la fin, etc.
J’ai commencé un petit bout de restauration avec un des membres de mon équipe dans une expérience vécue dans sa petite enfance (il avait sauvé sa mère que son père en colère était en train d’étrangler). Nous poursuivrons demain.
Ce qui a été très fort aujourd’hui, très touchant aussi, c’est de voir ces jeunes et moins jeunes (de 20 à 38 ans pour mon équipe, avec une forte concentration autour de 25 ans) découvrir très concrètement ce que veux dire se comporter avec de l’ouverture, ce qui est une autre manière de dire ce que signifie aimer… Plusieurs ont pris conscience qu’ils se comportaient en traitant des personnes de leur entourage non comme des personnes mais comme des objets.
Pour moi, j’ai vu aujourd’hui une nouvelle fois combien la formation articulée avec des expériences vécues sur place pouvait avoir comme impact immédiat en termes de prise de conscience et d’effet transformateur.
Si, à la fin du 3° jour de la session, nous ne sommes pas encore vraiment entrés dans l’expérience du traumatisme du 12 janvier, je vois que ce que nous avons vécu est déjà restaurateur : en les orientant vers le chemin des décisions, en les aidant à éviter des passages à l’acte de leur hostilité ou de leurs pulsions sexuelles, en leur permettant de prendre conscience de leur capacité d’aimer nous avons actualisé leurs forces dans l’expérience traumatisante des camps qu’ils vivent au quotidien.
En caravane, nous avons évoqué le bienfait que représenterait pour ces mêmes personnes d’avoir la possibilité de poursuivre dans une seconde session le travail d’humanisation que nous commençons avec eux. J’ai aussi rêvé de ce qui pourrait se passer si 50, 100 caravanes comme la nôtre pouvaient sillonner le pays… Vraiment la re-construction des personnes et pour certains, leur construction, est vraiment une nécessité prioritaire ! En s’intériorisant, les participants ont partagé des expériences de leur vécu avant le séisme, dans l’enfance, l’adolescence… Pour beaucoup le séisme n’est pas la première ni la plus importante des secousses de leur vie psychique !

Dimanche 27 juin

Aujourd’hui, dans un premier temps d’équipe nous avons travaillé des expériences reliées à la situation œdipienne. Cela m’a permis de travailler le choix de la personne significative et le renoncement à la recherche de l’objet d’amour et de montrer dans l’expérience comment la plus jeune des membres de mon équipe (20 ans) idéalisait son père (qui a dans la réalité abandonné sa mère et elle-même) tout en dévalorisant sa mère. J’ai aussi travaillé avec un autre l’importance d’aller chercher des solutions sans attendre qu’elles n’arrivent, ni remettre aux autres la responsabilité des malheurs et difficultés qu’il rencontre.
Depuis hier, je sentais les membres de mon équipe prêts à aborder leur expérience traumatique. C’est pourquoi, je suis entrée dans le second temps d’équipe de la matinée (et ai poursuivi l'après-midi) dans le vécu du séisme du 12 janvier ou de ses conséquences. Je l’ai fait en répondant à l’invitation de Jeanne d’aider les personnes à découvrir les 13 piliers (ou indices des forces vitales humaines) dans leurs expériences. J’ai choisi d’aller chercher des expériences dans lesquelles les participant(e)s avaient aidé(e)s d’autres personnes, dans lesquelles ils/elles avaient sauvés des vies. Telle (je vais la nommer Marie-Claude), après avoir mis à l’abri ses propres enfants, est rentrée dans la maison qui branlait fortement, en dépit de conseils contraires des proches, pour aller chercher le bébé de la voisine qui était partie au marché. Des vêtements étaient tombés sur lui, la poussière l’aveuglait et c’est à tâtons, avec ses pieds que Marie-Claude l’a localisé et s’est précipitée pour le saisir et sortir à toute allure : à peine était-elle sortie avec l’enfant qu’une partie de la maison s’est effondrée. Après avoir fait souligner à Marie-Claude de manière claire la séquence de tous ses gestes, j’ai mis en lumière tous les indices de forces présents dans la décision de rentrer dans la maison pour sauver le bébé : objectif, ouverture, sens, amour, temps, moyens, perception, discernement, choix et renoncement, prise de position, dépassement des obstacles. J’ai ensuite fait le lien avec les expériences relues les jours précédents et la source d’inspiration puisée chez les personnes significatives pour cette jeune femme (sa mère et sa grand-mère)… C’était très fort et Marie-Claude rayonnait. Ensuite une autre (que j’appellerai Sandrine) a parlé des soins donnés à une amie réfugiée comme elle dans le camp. Cette amie a perdu sa mère et en essayant de la sauver (sans y arriver), elle a reçu un bloc de béton sur la main qui lui a écrasé le pouce. Je suis restée sur ce que Sandrine a mis en œuvre pour soigner le pouce de son amie, réservant pour un temps d’échange avec elle les moyens qu’elle a employés pour réconforter cette amie de la perte de sa mère. Un troisième a déployé beaucoup d’énergie pour trouver des médicaments afin de soigner sa grande sœur dont le visage était abîmé, l’amener chez le médecin et l’aider dans sa toilette. Un autre (que je vais appeler Mathurin) a tout fait pour sauver son neveu coincé dans sa maison effondrée. Il a commencé par le chercher avec des amis dans les lieux dans lesquels il aurait pu se trouver, ne le trouvant pas, il a tenté de convaincre les personnes qui interdisaient l’accès au quartier de les laisser passer. Il a insisté trois fois, sans succès. Il a ensuite cherché un autre accès et l’a trouvé, est arrivé avec ses amis à la maison effondrée. Le neveu criait et ils l’entendaient. Mathurin a cherché une masse et avec ses amis ont cassé et tapé… pendant des heures, sans arriver à libérer le neveu prisonnier. Une secousse a provoqué un nouvel effondrement de la maison et obligé d’interrompre les opérations. Le père du jeune a trouvé un tracteur, mais hélas lorsqu’ils ont enfin réussi à atteindre l’endroit où se trouvait le jeune ils l’ont trouvé mort par étouffement. Avant d’arriver à ce triste dénouement, j’ai fait retracer plusieurs fois toutes les actions que Mathurin a faites pour tenter de sauver son neveu… Il a vu qu’il avait vraiment fait tout ce qu’il avait pu pour cela, qu’il pouvait être fier de l’amour en actes qu’il avait déployé, que son neveu était parti avec la certitude qu’il n’avait pas été abandonné, que Mathurin avec ses amis tentaient de le sauver. J’ai demandé à Mathurin qui, comme protestant ne croit pas à la communion des saints ni à la résurrection au présent, ce que son neveu lui dirait s’il pouvait parler… « Il me dirait merci pour tout ce que tu as fait pour moi » et il a achevé en disant qu’il voyait que son neveu restait dans son cœur.
Cet après-midi, j’ai travaillé avec Nathalie qui dormait et est sortie de son sommeil à cause du mouvement et du bruit provoqué par le séisme. J’ai mis en lumière toutes les perceptions qui l’ont poussée a sortir et a aller trouver refuge dans le camp voisin, loin des murs et du béton : elle a sauvé une vie, la sienne ! Ensuite, j’ai aidé une jeune femme qui n’a pas vécu directement le séisme a voir qu’elle avait vraiment répondu aux besoins d’un groupe de personnes qu’elle a accueilli avant qu’elle ne soit nommée par ses responsables à un autre endroit où elle a aidé bien d’autres personnes. Elle se reprochait de ne pas avoir assez fait pour le premier groupe. J’ai travaillé la différenciation entre ce qui dépendait d’elle et ce qui n’en dépendait pas (sa nomination à une autre place)… et la continuité de son objectif d’aider les personnes, en lien avec des expériences relues les jours précédents. Avec un autre, que je vais nommer Ruysbeck, c’est sa paternité pour les enfants à qui il faisait cours que j’ai choisi de mettre en lumière, sans aller plus avant dans son expérience (que nous poursuivrons demain). Il a pris sous sa protection ces enfants, leur a dit de ne pas courir, de rester dans la cour et a pris soin de leur parler pour les rassurer…
Ainsi, après la relecture de leur expérience, chacun a maintenant vu ses actions traduisant son amour, au cœur du drame. Ce ne sont plus les décombres, les morts ou les blessures qui dominent dans leur expérience du 12 janvier, mais en voyant dorénavant leurs forces ils vont pouvoir reprendre l’initiative dans leur vie pour inventer un nouvel avenir. Je pense que nous ferons un bout dans ce sens demain, dernier jour de notre session.

Lundi 28 juin

Notre dernière session est terminée, bien terminée. Les participants ont exprimé en partant la joie d’avoir beaucoup découvert et la tristesse que la session s’achève. La récolte des fruits a été riche et les remerciements sincères et nombreux.
Ce soir en réunion de caravane, entre autres éléments, nous avons nommé les apprentissages que chacun de nous a faits. Personnellement, j’ai beaucoup donné, mais aussi beaucoup appris. Je repars avec une confiance solide dans mes capacités à aider des personnes traumatisées, à avancer par petits bouts, à tenir compte de la dynamique de la personne, à l’aider à voir sa fausse représentation, à déjouer les pièges de l’inconscient, à la suivre en puisant dans mon bagage pour trouver le chemin pour actualiser et restaurer ses forces. J’ai aimé aussi le travail de concertation en caravane que nous avons fait régulièrement… et appris grâce à la supervision de Jeanne. Ces trois semaines sont comme un couronnement de la formation reçue cette année dans une mise en pratique riche. La configuration très différente des trois groupes que nous avons accompagnés m’a aussi aidée à percevoir ce que signifie suivre une personne mais aussi un groupe, s’adapter à ses besoins et aux défis rencontrés, s’ajuster à la température et aux conditions matérielles, tenir compte de mes énergies…et prendre le recul nécessaire pour mieux guider les personnes !
Demain, nous allons rencontrer les Filles de Marie qui ont payé un lourd tribu dans le séisme : elles ont perdu 15 des leurs dont la Provinciale et l’économe générale. Leur maison provinciale, fortement endommagée, a de surcroit, été pillée par les gens du quartier. Six d’entre elles étaient présentes à notre deuxième session. C’est à leur demande que nous allons rencontrer leurs autres sœurs.

Mercredi 29 juin

Nous avons vécu une journée plus calme aujourd'hui, puisque nous avons terminé officiellement notre mission. Ce matin, nous sommes allés à Pétionville pour visiter la communauté des filles de Marie fortement éprouvée, comme je l'ai écrit hier. Nous avons fait un petit bout de chemin significatif avec elles. Cependant, en deux heures de temps, il s'agissait surtout d'une "mise en appétit" pour qu'elles trouvent le goût d'aller plus loin dans une future session. Ensuite, nous sommes allés au sommet de la montagne qui surplombe Port au Prince : une vue splendide... qui fait presque oublier que la terre si belle a été aussi meurtrière!

Retour à Montréal : Jeudi 30 juin

Nous quittons la maison des Missionnaires du Christ Roi qui nous ont accueillies pour notre 3° session dans quelques minutes pour nous rendre à l'aéroport... et arriver quelques heures plus tard à Montréal. L'expérience de ces trois semaines a été très marquante et féconde. J'en repars avec la joie d'avoir rencontré des personnes qui ont un trésor dans le cœur et de les avoir aidées à le découvrir. Je repars aussi avec la certitude encore renforcée que la formation humaine intégrale est un trésor pour les peuples !

2 commentaires:

  1. Montréal 6 septembre,
    Merci Marie odile pour ton journal de bord de la caravane.
    Très bon temps à toi au Tchad, puisses tu découvrir toute la beauté de ce peuple.
    Si tu la rencontrais à Ndjaméma, salues pour moi Sr Marie Gabrielle chez les missionnaires de la charité (mère Térésa)
    Demain c'est la rentrée à l'IFHIM
    Marie Ange

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  2. Mon nom est aspirateur, ma fille de 18 ans, Tricia a été diagnostiquée d'herpès il y a 3 ans. depuis lors, nous allons d'un hôpital à l'autre. Nous avons essayé toutes sortes de pilules, mais tous les efforts pour se débarrasser du virus étaient vains. Les cloques ont réapparu après quelques mois. Ma fille utilisait des comprimés d'acyclovir 200 mg. 2 comprimés toutes les 6 heures et crème de fusitine 15 grammes. et H5 POT. Le permanganate avec de l'eau doit être appliqué 2 fois par jour mais tous ne montrent toujours aucun résultat. J'étais donc sur Internet il y a quelques mois, à la recherche de tout autre moyen de sauver mon enfant unique. à ce moment-là, je suis tombé sur un commentaire sur le traitement à base de plantes dr imoloa et j'ai décidé de l'essayer. Je l'ai contacté et il a préparé des herbes et me les a envoyées avec des directives sur la façon d'utiliser les herbes via le service de messagerie DHL. ma fille l'a utilisé comme dr imoloa dirigé et en moins de 14 jours, ma fille a retrouvé sa santé .. Vous devriez contacter le Dr imoloa aujourd'hui directement sur son adresse e-mail pour tout type de problème de santé; lupus, ulcère de la bouche, cancer de la bouche, douleurs corporelles, fièvre, hépatite ABC, syphilis, diarrhée, VIH / sida, maladie de Huntington, acné au dos, insuffisance rénale chronique, maladie addison, douleur chronique, maladie de Crohn, fibrose kystique, fibromyalgie, inflammatoire Maladie intestinale, mycose des ongles, maladie de Lyme, maladie de Celia, lymphome, dépression majeure, mélanome malin, manie, mélorhéostose, maladie de Ménière, mucopolysaccharidose, sclérose en plaques, dystrophie musculaire, polyarthrite rhumatoïde, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkison, cancer vaginal, épilepsie Troubles anxieux, maladies auto-immunes, maux de dos, entorse dorsale, trouble bipolaire, tumeur cérébrale, maligne, bruxisme, boulimie, maladie du disque cervical, maladies cardiovasculaires, néoplasmes, maladies respiratoires chroniques, troubles mentaux et comportementaux, fibrose kystique, hypertension, diabète, asthme , Médiateur auto-immun inflammatoire arthrite. maladie rénale chronique, maladie articulaire inflammatoire, impuissance, spectre d'alcool féta, trouble dysthymique, eczéma, tuberculose, syndrome de fatigue chronique, constipation, maladie inflammatoire de l'intestin. et beaucoup plus; contactez-le sur email- drimolaherbalmademedicine@gmail.com./ également sur whatssap- 2347081986098.

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