Télécharger ma chronique au fil des jours mes deux années au Tchad au service de la paix en cliquant sur ce lien: Au Tchad au service de la paix!
Pour ceux et celles qui ont moins de temps, voici quelques articles dans lesquels je synthétise mon action pour différents publics... au format pdf à télécharger:
Formation de Bâtisseurs de paix au Tchad
Quand des jeunes apprennent à être "Bâtisseurs de paix"
Brèves nouvelles de N'Djaména
Première année au Tchad : Septembre 2010-Juin 2011
Bientôt le départ
Dimanche 19 décembre
2010
Lundi 17 Janvier 2011
Deuxième année au Tchad : Septembre 2011-Mai
2012
Lundi 26 Septembre
2011 de Moundou
Dimanche 23 Octobre 2011
Dimanche 4 mars
2012
Lundi 9 avril
2012 Bonne fête de Pâques !
Mercredi 2
mai : derniers jours au Tchad
Pour ceux et celles qui ont moins de temps, voici quelques articles dans lesquels je synthétise mon action pour différents publics... au format pdf à télécharger:
Formation de Bâtisseurs de paix au Tchad
Quand des jeunes apprennent à être "Bâtisseurs de paix"
Brèves nouvelles de N'Djaména
Première année au Tchad : Septembre 2010-Juin 2011
Bientôt le départ
Les jours
déroulent à grande vitesse entre visites aux communautés, rencontres familiales
et préparatifs divers. Je pensais pouvoir disposer de temps m'instruire sur le
Tchad avant d'atterrir, mais j'ai davantage centré mes journées sur le présent
des rencontres. Je n'ai pu parcourir que quelques numéros de "Tchad et Culture",
une revue de qualité qui comporte une réflexion critique et constructive que
j'ai trouvée très intéressante. J'ai pu aller voir "Des hommes et des
dieux", un film émouvant et un témoignage humain très fort. J'avais été
passionnée par le livre de John Kiser, "Passion pour l'Algérie", et je
me sens très en concordance avec la théologie et la spiritualité de grande
ouverture de Christian de Chergé telle qu'elle transparait dans les livres que
Christian Salenson lui a consacré : "Une théologie de
l'espérance" et "Prier 15 jours avec Christian de Chergé".
Je prends
l'avion mardi 14 septembre en début d'après-midi et, après une escale de 5h à
Tripoli (Libye) j'arriverai à N'Djaména dans la nuit, à 0h45, le 15 septembre.
Je continuerai à donner des nouvelles sur ce blog. Mon expérience
d'expatriation m'a appris qu'il est plus facile de parler d'un pays lorsqu'on y
arrive qu'après qu'on y ait séjourné plusieurs années. En Côte d'Ivoire courait
une plaisanterie selon laquelle une personne qui reste un mois dans un pays
écrit un livre entier à son sujet, si elle y reste un an, elle écrit un article
et au delà elle ne s'exprime plus guère... tellement la conscience de la
complexité augmente à mesure que la connaissance s’accroît. Dans les premiers
temps, je n'écrirais sans doute pas de livre, ni d'article mais plutôt des
chroniques faisant part de mes observations et de mes actions...
Mercredi 15 Septembre : Bien arrivée !
Je suis
arrivée ce matin à 0h15 à N'Djaména avec une demi heure d'avance, la demi heure
prise à Tripoli d’où l'avion s'est envolé avant l'heure ! Un voyage
excellent, en compagnie d'une sœur Xavière, Brigitte qui travaille au CCU, avec
Claire Jean, une sfx que je rejoins ici. J'étais, dans les deux tronçons du vol,
auprès d'un hublot qui m'a permis de regarder le paysage entre Paris et Tripoli
(survol de la France, de la Sardaigne, d'un petit bout de Tunisie et des
alentours de Tripoli (Lybie), ville plantée au bord de la mer, dans le
désert... Paysage superbe). Entre Tripoli et N'Djaména, la nuit noire m'a
seulement permis d'observer que le désert est peu peuplé!!! Aucune lumière
pendant des centaines de kilomètres... Une fraicheur relative m'a accueillie
hier nuit (25°) et demeure ce matin 27° à 7h30. Mais une chaleur fraternelle
avec l'accueil de Claire à l'aéroport, avec Pierre pour nous conduire à la
maison. Et ce matin, 1° petit déjeuner communautaire, avec Monique qui est
partie au Centre Emmanuel pour préparer la rentrée.
Quelques photos du voyage
Ces quelques
photos du voyage, à défaut de montrer le Tchad, donnent une idée de la Libye et
de Tripoli... Cliquer sur
ce lien pour accéder à ces photos
Samedi 18 septembre : quelques flashs
Seulement
trois jours que je suis arrivée au Tchad : voici quelques échos de ces
premières heures. Il faut dire d'abord que ce qui me saisit avant toute autre chose,
c'est la chaleur qui est actuellement bien humide, et me replonge dans les
sensations dégoulinantes d'Abidjan et plus récemment d'Haïti. Et dire que
chacun évoque pour plus tard des chaleurs bien plus écrasantes dont les Tchadiens
eux-mêmes parlent avec accablement !!! Je décide de vivre au jour le jour sans
m'affoler par avance… Un autre aspect frappant qui affecte la vie quotidienne
provient des coupures fréquentes et durables d'électricité. Hier, à partir de
6h puis toute la journée nous n'avons pas eu de courant ; il est revenu à 1h,
ce matin. Avant-hier, journée faste, la coupure n'avait duré que quelques
heures, mais avant-hier la coupure avait aussi été durable. Cela a des
incidences importantes sur la conservation des aliments : le frigidaire et
bien sûr le congélateur ne fonctionnent pas sans électricité : il faut
donc faire les courses quotidiennement. C'est Claire qui s'en charge. Les
diners aux chandelles (il fait nuit à partir de 18h) présentent un certain
charme… en tous cas pour mes débuts ! Par contre, je trouve bien complexe
la phase d'endormissement. Après le diner un peu prolongé par les échanges fraternels,
la prière du soir, il est à peu près 8h30. Pas de télévision, de distraction… Que
faire d'autre que dormir ? Lire avec la lampe frontale attire moustiques et
insectes (qui traversent sans difficulté les moustiquaires des fenêtres)… Mais
pour dormir il est encore bien tôt et il fait plus de 30°C… Depuis mon arrivée,
j'ai expérimenté plusieurs stratagèmes pour apprivoiser la chaleur et les
moustiques et espère bien aboutir à entrer dans un sommeil réparateur avant 1h
du matin ! Nous envisageons d'installer des plaques solaires sur le toit
de la maison. Un double obstacle vient du coût élevé et de la difficulté de trouver
un matériel adapté et un technicien fiable. Je visite N'Djaména par petites
touches, avec Claire qui me sert de guide et Monique qui donne de précieuses
clés. Je prends le temps de parler avec les personnes qu'elles me présentent,
d'écouter, de questionner pour découvrir ce qui habite chacun, percevoir et
sentir les défis et enjeux du pays, et entrevoir des accents pour ma mission qui
va commencer à se préciser dans les jours à venir. Le premier contact est
chaleureux, et les visages s'éclairent dès que mes interlocuteurs apprennent
que je suis là, non pour une visite express, mais pour plusieurs mois.
Voici 10
jours que je suis arrivée à N’Djaména et je commence à me repérer correctement
dans la ville au point de me déplacer seule en voiture, à pied… et - aventure
pour moi… - en mobylette : je n’avais jamais utilisé ce véhicule et me
suis entraînée 15 minutes la veille de mon départ dans la cour de Sainte Marie
de Neuilly ! Heureusement que j’ai un bon équilibre en vélo…
Nous
commençons à constituer une petite communauté à 3. J’ai en effet rejoint
Monique et Claire et nous arrivons peu à peu à trouver notre rythme. Elles me
soutiennent et m’orientent dans ma découverte de N’Djaména et de ses
habitants !
J’ai mis à
profit ces dix jours pour multiplier les visites de différents lieux intéressants
et parler avec les responsables ou animateurs : Centre Emmanuel (soutien
scolaire et animation pour collégiens et lycéens) ; CCU (Centre Catholique
Universitaire : bibliothèque universitaire et aumônerie catholique) ;
Centre Al Mouna (Centre de rencontre entre musulmans et chrétiens qui propose
conférences, animations culturelles, possède un secteur édition et dispose
d’une bibliothèque en Français et arabe ; CCF (Centre Culturel
Français : largement ouvert à tous ceux que la culture intéresse) ;
CEFOD (Centre d’études et de formations pour le développement, qui publie,
forme et possède aussi une vaste bibliothèque en lien avec son
orientation) ; Radio Présence (la radio catholique locale)… J’écoute,
observe, capte… J’ai parlé avec plusieurs des sœurs Xavières, engagées dans
différents apostolats [EVA (éducation à la Vie et à l’Amour), CCU, aide aux
personnes alcooliques] qui m’accueillent très fraternellement. J’ai rencontré
aussi Stasia, polonaise, religieuse du sacré Cœur, qui a été deux ans à l’IFHIM
et est à N’Djaména depuis l’année dernière. Nous avons été très heureuses de
nous rencontrer et aurons peut-être des occasions de collaborer même si elle
est déjà très prise et habite dans un autre secteur.
Cette
semaine, j’ai aussi pris contact avec un étudiant pour un accompagnement qui
devrait être régulier. Au cours de cette première rencontre, j’ai pu vérifier
(s’il en était besoin) que la formation humaine intégrale à laquelle j’ai été
formée à Montréal m’équipe pour aider et soutenir les jeunes tchadiens sur leur
chemin de vie. Elle me donne aussi des outils précieux pour la mission qui
s’éclaire peu à peu.
J’ai en
effet rencontré l’archevêque de N’Djaména à deux reprises et il m’a précisé les
champs dans lesquels il m’envoyait servir. Je serai d’abord chargée à la DIDEC
(Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique) et à la DINEC (Direction
Nationale de l’Enseignement Catholique), en lien avec le Directeur national qui
est aussi le Directeur diocésain, du suivi et de la poursuite pour le primaire
et de la mise en place pour le secondaire du programme de Formation à la
culture de la paix qui a été initié depuis quelques mois pour les écoles,
collèges et lycées catholiques du Tchad. Dans cette même ligne, j’aurai à
participer à la formation à la paix au sein des paroisses dans le cadre de la
commission Justice et Paix. Enfin, je ferai partie de l’équipe Pastorale
Diocésaine qui conçoit les plans de formation sur le Diocèse, avec possiblement
des sessions à animer pour des publics divers.
Je suis très
heureuse de donner ainsi intensément ma contribution vers la formation à la
paix qui correspond à l’un des accents prioritaires de l’Église locale et dont
je sens combien il répond aux besoins du pays.
Pour ceux
qui le veulent voici quelques
photos de N’Djaména à partir de ce lien…
Aller-retour en France pour raisons médicales (du 5
au 18 octobre 2010)
A peine arrivée
au Tchad que j’en suis repartie pour des examens médicaux… En fait mon affaire
est du genre classique : juste avant mon départ, j’ai pris la précaution
de faire une mammographie de dépistage. Les résultats qui me dont parvenus à
N’Djaména laissaient entrevoir des nodules et micro-calcifications qui
pouvaient laisser soupçonner un début de cancer. Les médecins consultés (en
France et au Tchad) ont conclu à la nécessité de rentrer en France pour faire
une biopsie afin de regarder la nature (bénigne ou maline) des nodules, puisque
la possibilité de faire cet examen n’existe pas au Tchad. La santé n’a pas de
prix… mais elle a un coût et un accès auxquels tous n’ont pas droit ! Pour
moi, je suis donc rentrée en France le 5 octobre prise en charge par Mondial
Assistance, organisme d’assurance voyage auquel je suis affiliée grâce au SCD
(service de Coopération au développement cf. http://www.scd.asso.fr/). Il y avait 50% de chances des deux côtés (bénin ou malin). Après la
biopsie, mes cellules ont été envoyées à un labo qui les a examinées… et j’ai
appris vendredi qu'elles étaient bénignes. Ouf… car même si j’ai vécu ces
derniers jours dans une sérénité de fond, prête à accueillir ce qui se
présenterait comme cela se présenterai, je suis bien heureuse de retourner au
Tchad, en dépit de la chaleur, des moustiques, des coupures de courant, [les
tempêtes quasi cycloniques devraient être terminées actuellement], etc…,
consciente de l’enjeu et de l'ampleur de la mission qui m’attends : la poursuite
de la mise en place (déjà amorcée) d'un programme d'éducation à la Culture de
paix pour les écoles catholiques du Tchad (incluant la collaboration/formation
avec les conseillers pédagogiques et enseignants, la formation de jeunes
"ambassadeurs de paix" et la conception/réalisation d'un manuel à
usage des enseignants) et des formations dans le cadre de la Commission Justice
et Paix de N'Djaména.
Je reprends
l’avion dans le sens Paris-N’Djaména lundi 18 octobre, avec un programme de
visite des écoles de N’Djaména pour me permettre de prendre contact avec les
enseignants, mieux saisir les enjeux et type de fonctionnement des écoles, et
voir ce qui est déjà commencé (par exemple, la suppression de la
"chicotte" qui a permis une détente chez les élèves !)
A la fin de
ce mois, j’animerai deux jours de session sur le thème « travailler en
équipe et collaborer » pour les prêtres ainsi que les religieuses et laïcs
engagés dans les paroisses du Diocèse de N’Djaména. L’archevêque est soucieux
d’offrir à chacun les « outils nécessaires pour le travail de la
refondation de notre Eglise-Famille de Dieu qui est à N’Djaména ». Je
me réjouis beaucoup de cette occasion de prendre contact de plus près avec les
acteurs de la vie ecclésiale.
Je vais
retrouver aussi les contacts du quotidien avec mes deux consœurs, Monique et
Claire, que je suis heureuse de rejoindre, et avec les gens du quartier, au
hasard des rencontres (par exemple, juste avant de partir, la réparation du
pneu de ma mobylette, qui m'a permis une longue conversation avec un jeune,
dans la rue).
J’ai profité
des quinze jours passés en France pour poursuivre mes lectures sur le
pays : Le souffle de l’harmattan de Baba Moustapha (j’en
recommande la lecture à quiconque voudrait découvrir le Tchad); la chronique
d’une religieuse du Sacré Cœur, Sr Bovagnet qui a passé plus de 30 ans au
Tchad; les actes d’un colloque du Centre Al Mouna sur la Guerre de 79 et ses
conséquences… Ces trois lectures présentent cet épisode douloureux de
l'histoire du Tchad comme central pour comprendre les divisions du pays. Des
vidéos éducatives (très pédagogiques) du service audio-visuel de Sarh ont
contribué à affiner ma représentation… en présentant des scènes de la vie
quotidienne.
Je vais
retrouver un pays qui avance… vers le 50° anniversaire de l’indépendance :
celle-ci a eu lieu le 12 août 1960, mais ne sera célébrée que le 12 janvier
prochain, le mois d’août étant trop perturbé par les pluies et marqué par les
vacances. N’Djaména se pare de neuf pour l’événement : goudronnage
intensif des axes principaux et construction de nombreux bâtiments publics qui
devraient être somptueux. Partout des travaux et des constructions : la
ville est en marche… espérons qu’elle ne s’arrêtera pas !
Bien arrivée le 18 octobre au soir
Je suis bien
arrivée hier soir : parti 3/4 d'heure en retard à cause des grèves, dans
une atmosphère hyper sécuritaire (je me suis faite fouiller 3 fois!!!), l'avion
a atterri à l'heure à N'Djaména dans une chaleur torride et humide (dans ma
chambre il faisait à 22h 32°C et ce matin 30°C...). A Roissy, j'ai eu une
conversation très intéressante avec l'ancienne supérieure générale des
Ursulines (Sr Colette) qui allait en Afrique du Sud pour une réflexion
communautaire sur l’implantation de la congrégation en Afrique. Je la
connaissais depuis Tours et ai eu la bonne surprise de la trouver à une table
de l'aéroport, attendant un avion pour plusieurs heures après (grèves
obligent!). Ensuite le voyage s’est poursuivi, avec des conversations bien
intéressantes, car j'étais voisine de journalistes de France TV qui viennent
faire un reportage sur le Lac Tchad (qui a perdu 9/10° de sa superficie en 50
ans) et sur lequel se déroulera un colloque à N'Djaména à la fin de ce mois.
Samedi 23 octobre 2010
Presqu'une
semaine que je suis rentrée « chez moi », à N'Djaména… avec la joie
de retrouver les personnes avec qui j'ai pris contact et particulièrement ceux
et celles de l'Enseignement Catholique. J'ai démarré sur les chapeaux de roues
avec l'animation jeudi, vendredi et samedi matin, d'une formation pour des enfants de deux écoles
primaires de N'Djaména, du quartier Kabalaye (cf photos). Ces enfants ont été élus par leurs
pairs comme « ambassadeurs de paix ». Nous co-animions à 3, avec
l'Inspecteur diocésain et le conseiller pédagogique. Une très belle collaboration
où chacun a apporté sa contribution, la mienne résidant surtout dans les
démarches de formation à la paix et la leur provenant de leur connaissance du
milieu. Nous nous sommes adaptés en permanence par rapport à ce que nous avions
préparé pour tenir compte des enfants. J'ai été très étonnée par exemple de la
grande difficulté qu'ont eue les enfants à se mélanger entre garçons et filles.
Il est vrai qu'ils venaient d'écoles non mixtes, mais sans doute s'ajoutait à
cela une donnée culturelle. J'ai été aussi surprise de leur difficulté à
échanger entre eux. Lorsque nous étions tous ensemble, plusieurs prenaient la
parole aisément, par exemple pour partager des faits vécus, des gestes de paix
qu'ils ont posés, des démarches effectuées, mais lorsque nous les mettions en
petits groupes, ils restaient muets. Nous avions prévu l'exploitation de
quelques textes signifiants, par exemple la parabole des aveugles et de
l'éléphant, que nous avons racontée dans les formations suivantes, car l'accès
des enfants aux textes n'est pas aisé, et l'objectif de cette formation n'est
pas de faire un cours de vocabulaire ! Ce qui est important, c'est d'avoir
senti l'engagement de ces enfants, désireux de répandre la paix autour d'eux, à
l'école, au quartier, en famille… Nous les reverrons dans quelques semaines et
nous verrons le chemin parcouru. Dans l'intervalle, nous passerons dans
d'autres écoles en tenant compte de cette première expérience pour ajuster notre
démarche. L'idée est de mettre en place une formation reproductible ultérieurement
avec des outils utilisables par d'autres que nous.
Du côté de
la vie quotidienne, j'ai trouvé à mon retour une situation du point de vue de
l'électricité pire que celle dont j'ai parlé antérieurement dans ce blog :
pas une minute, pas une seconde de courant depuis mon retour. Claire et Monique
espéraient en avoir ce WE, comme cela avait été le cas les WE passés… Mais
aujourd'hui, samedi, rien n'est venu…et nous resterons sans doute ainsi au moins
jusqu'à lundi matin ! Bref, s'adapter est une nécessité qui demande une
autre sorte d'énergie qu'électrique ! Je profite de la fraicheur de
l'hôtel 5 étoiles qui fournit contre un prix raisonnable une heure d'internet
haut débit. C'est une bonne récréation… Je m'en suis offerte une autre d'un tout
autre genre cette semaine : une heure de « step » avec une association
de femmes d'expatriés de tous pays… Cette heure de transpiration intense dans
ce pays de grande chaleur m'a fait beaucoup de bien et j'oserai dire m'a
presque donné une sensation de fraicheur… et en tous cas de bien être ! Je
suis toujours à la recherche d'une piste pour trouver un accès à une piscine :
je ne désespère pas de trouver chez des particuliers !
Lundi 1° Novembre 2010 : bonne fête de tous
saints !
Le temps
l’harmattan est en train de s’installer : chaleur toujours, mais sèche, ce
qui est d’un côté plus agréable et d’un autre côté amène une poussière qui
s’infiltre partout. La température en fin de nuit descend plus bas, et bientôt
parait-il, nous aurons froid… j’attends de voir !!!
Je reviens
d’une semaine passionnante à Béthel, un centre spirituel et de conférence à 20
kms au Sud de N’Djaména. C’était une semaine de session en direction des
personnels apostoliques des paroisses (prêtres, religieuses et laïcs engagés).
En fait les prêtres sont venus nombreux mais la plupart pour de courts séjours…
les religieuses étaient peu nombreuses et la plupart des sessionistes stables
étaient des laïcs. Les participants ont variés entre 40 et 50 au long de la
semaine. Les trois premiers jours étaient animés par le recteur du séminaire
sur le thème « Eglise-Monde, apprendre à lire les signes des temps ».
La démarche suivie était intéressante et nous a permis de nommer des points sensibles
de la vie sociale, politique, économique, religieuse, etc. et de tracer
quelques pistes d’action. J’ai personnellement pu ainsi bénéficier d’une
fenêtre ouverte sur les grands thèmes qui préoccupent les chrétiens tchadiens
actuellement aux prises avec des injustices, des situations de grande pauvreté,
des inquiétudes sur le présent et l’avenir de l’Église. Je donnerai deux
exemples tirés des temps de carrefour auxquels j’ai participé. Pour le premier
nous avons choisi de regarder les « déguerpissages », c'est-à-dire
les expropriations qui se déroulent massivement, parfois contre dédommagement,
parfois non. Il faut dire plusieurs cas se présentent : des personnes se
sont installées sur des terrains sans titre ; à d’autres les
fonctionnaires du cadastre ont vendu, en toute illégalité, des terres réservées
par l’État ; parfois ce sont des propriétaires qui vendent à plusieurs
personnes le même lopin… et enfin l’État exproprie des particuliers pour des
constructions d’intérêt public (école, hôpitaux, centres sociaux, routes
goudronnées). Si le droit s’appliquait normalement, il n’y aurait rien à
redire, mais les gens sont parfois délogés avec un préavis de deux ou trois
jours seulement ; d’autres qui devraient être dédommagés ne le sont pas
tandis que certains le sont grassement.
L’autre
question que nous avons abordée dans mon carrefour est celle de la prise en
charge des prêtres. En effet depuis plusieurs mois, le diocèse ne peut verser
aux prêtres l’indemnité de 84000FCFA (128€) qui leur servait de salaire. Ce
sont donc dorénavant les paroissiens qui doivent assumer les dépenses relatives
à la vie des prêtres (logement, alimentation, déplacements, etc.). Des quêtes
appelées « paniers du prêtre », des paniers repas apportés par les
CEB (Communautés Ecclésiales de Base), des cotisations et différents autres
moyens ont été inventés. Certaines paroisses peuvent sans difficulté prendre en
charge leurs prêtres. Ce n’est pas le cas de toutes. Lorsque la quête n’atteint
pas 500FCFA, le carburant du prêtre de brousse qui a des centaines de kilomètres
à faire pour visiter ses paroissiens n’est pas assuré !
Pour ma
part, j’animai les deux derniers jours de la semaine. L’évêque m’avait demandé
de donner une contribution sur le thème « Travailler en équipe et
collaborer ». Je me suis appuyée sur mon expérience, en suivant la
démarche à laquelle j’ai été initiée à l’IFHIM.
J’avais
préparé mes interventions avec souplesse pour suivre le groupe, et de fait j’ai
ajusté mes interventions au fil des heures. J’ai été très heureuse de l’accueil
positif que les participants ont fait à la démarche appuyée sur l’expérience
concrète. J’ai donné aux équipes le 1° jour la mission de produire une
affichette donnant le sens du travail en équipe. Nous avons pris un temps pour
présenter les affichettes (plusieurs présentaient la construction en commun
d’une case ou d’un grenier communautaire, plusieurs ont utilisé l’image du
balai (des baguettes liées ensemble), de la mise en commun des idées qui fait
jaillir la lumière, du repas, etc..). Dans un second moment, j’ai invité les
équipes à relire ce qui les avait aidés pour le travail et la collaboration et
à retracer l’apport et la contribution de chacun. Nous avons sans cesse alterné
entre temps en groupe entier et temps en petits groupes de 4 ou 5, destinés à
donner aux uns et aux autres l’occasion de découvrir dans leur expérience les
atouts et points d’appui pour le travail en équipe. J’ai articulé les deux
jours avec un premier axe autour du positionnement personnel dans le travail en
équipe avant de suivre une seconde piste autour de l’ajustement mutuel.
Positionnement
personnel
1. M’engager et vivre mon
engagement sur le chemin de la décision
2. Participer avec mes forces
vitales
3. Équilibrer mes énergies
physiques et psychiques (gérer mes émotions, mes frustrations)
Ajustement
mutuel
4. Décider de m’ouvrir
5. Accueillir les façons de voir,
de penser, de s’exprimer différentes
6. Prendre conscience de mes
tendances/mode de comportement
7. Prendre ma place, exercer mon leadership
en tenant compte du rôle spécifique de l’autorité
Je n’ai pas
encore parlé de l’électricité… toujours jamais là ! Pas drôle de vivre
dans le noir, mais on trouve des moyens. Nous nous sommes fait une soirée
cinéma à trois autour d’un ordinateur portable… pour voir "Les
citronniers"… Nous avons beaucoup aimé !
Dimanche 7 novembre 2010… 39°C !
La semaine a été
occupée par une session sur la gestion de projets et la recherche de
financement à laquelle j’ai assisté avec les responsables de l’Enseignement
Catholique du Tchad… La situation financière réellement préoccupante de
l’Église du Tchad rend nécessaire la recherche de ressources par tous les
acteurs… Si j’étais personnellement assez au point pour la rédaction de projets
et les démarches relatives à leurs financements depuis la Côte d’Ivoire où
j’avais expérimenté ce genre littéraire avec succès, j’ai été très intéressée
par les interventions des participants à cette session et aux accents mis par
les deux animateurs (jeunes tchadiens dynamiques et compétents… issus de
l’Enseignement Catholique). J’ai pu apprendre aussi à connaître la plupart des
Directeurs et Directrices diocésains, Inspecteurs diocésains, Conseillers
pédagogiques et Chefs d’établissement du pays avec qui j’aurai à travailler
dans ces prochains mois.
Mes projets par
rapport à ma mission d’accompagner la mise en place de la culture de la paix
dans les établissements catholiques commencent doucement à prendre forme. La
grandeur du pays et le manque de finances vont m’amener à donner une priorité
aux établissements de N’Djaména. Je vais essayer de mettre au point un
programme pour l’ensemble du cycle scolaire (du pré-CP à la Terminale) en
m’appuyant sur des enseignants pour expérimenter des séances et modules qui
pourront, à terme, constituer un manuel. Nous poursuivons la formation des
« ambassadeurs de paix » des écoles primaires de N’Djaména, en
affinant le module déjà réalisé de sorte que d’autres puissent s’en emparer
pour le mettre en place sur le reste du territoire.
L’enjeu pour moi qui
ne suis pas appelée à rester longuement dans ce pays est d’inscrire mon action
dans la durée en la rendant transférable à d’autres qui n’ont pas reçu la même
formation que moi…
Par ailleurs j’ai la
joie d’accompagner régulièrement deux jeunes hommes de 28 et 29 ans qui
cherchent des repères, l’un pour mieux dominer ses colères et l’autre pour
organiser sa vie. J’aimerai à terme proposer un groupe de relecture qui me
permettrait d’élargir les apports à d’autres avec des interactions bénéfiques
pour tous. Le manque de stabilité de mon emploi du temps rend difficile ce type
de proposition pour le moment.
Côté climat… il fait
chaud, chaud, chaud… L’harmattan qui assèche n’a pas encore apporté la
fraîcheur annoncée. Nous avons eu de l’électricité de lundi dernier 1° novembre
23h30 à vendredi 5 à 9h30, avec seulement quelques petites interruptions. Cela
simplifie vraiment la vie ! Nous avons été moins chanceuses ce WE… Cette
semaine j’ai eu des soucis pour mon ordinateur qui a sans doute été infiltré
par un virus… Tout semble rentré dans l’ordre, ce qui me soulage car c’est pour
moi un outil de travail précieux.
N’Djaména a été le
siège de grand événements ces derniers jours : séminaire sur le Lac Tchad
la semaine dernière et présence active de RFI avec plusieurs émissions et un
méga-concert, hier soir…
Lundi 15 novembre 2010
Je viens de découvrir
un cybercafé (presque) haut débit proche de chez nous... d'où j'écris ce
message rapide. J'ai eu une semaine bien chargée avec la journée bilan des responsables
de l'Enseignement Catholique lundi dernier, où un des sujets importants a été
l'introduction de l'arabe comme langue d'enseignement et les difficultés que
cela pose : absence d'enseignants formés et risque (déjà expérimenté) de
confondre enseignement de l'arabe et enseignement de l'islam... Mardi,
avec le conseiller pédagogique, j'ai repris (comme du temps du CFP) le chemin
des visites de classe (au quartier appelé Atron 1). Sur trois enseignants
visités, deux (qui n'ont pratiquement pas eu de formation) tenaient bien la
route avec leurs 70 - 75 élèves. La troisième, manifestement débordée, était
très demandeuse d'orientations et de conseils. Les derniers jours de la semaine
ont été consacrés à la formation des ambassadeurs de paix de 4 écoles. D'expérience
en expérience, nous affinons le module de formation. Mon souci reste toujours
de générer un itinéraire que des enseignants puissent prendre en main à leur
tour... avec une formation minimale.
Vendredi 18 novembre 2010
Cette semaine
s’achève et elle a été un peu différente de ce que j’avais envisagé. Je voulais
faire un travail de fond pour penser un programme de culture de la paix à
proposer à une équipe d’enseignants. Et puis le hasard des rencontres m’a
permis d’avoir des rendez-vous avec le proviseur et la directrice de deux
établissements secondaires de N’Djaména, le lycée du Sacré Cœur et le collège
ND de l’Assomption. Ces entrevues très riches ont été assorties d’un repas avec
leur communauté respective. Des temps très fraternels et heureux avec des
communautés engagées. J’ai été heureuse de découvrir ce qui se faisait déjà
dans ces lieux pour la culture de la paix. Des activités et propositions à
soutenir et approfondir. Je vois une attente et entrevois des pistes d’action
possibles.
Mardi était jour
férié ici, en raison de la fête de Tabaski, fête du mouton. Nous n’avons su que
lundi soir que la fête serait le mardi, car jusque là l’hypothèse du mercredi
était maintenue. En Côte d’Ivoire nous attendions qu’un Imam ait vu la lune…
Ici je ne sais ce qui a permis de trancher en faveur du mardi. J’étais
sollicitée pour animer un temps d’enseignement réflexion pour un groupe de
filles (elles étaient une grosse quarantaine) réfléchissant à la vocation
religieuse, sur le thème « Nous avons tous/tes une mission dans l’Église
et la société ». Je les ai aidées à s’intérioriser et à chercher des
repères en elles pour s’orienter dans le sens du service à accomplir.
Demain samedi, nous
sommes conviées à une grande fête, l’ordination de deux prêtres, que je connais
pour les avoir rencontré lors de la session que j’ai animée précédemment. La
cathédrale sera sûrement pleine à craquer.
Dimanche matin tôt,
je quitterai N’Djaména pour aller à 300km au sud de la ville (mais toujours
dans le Diocèse de N’Djaména), pour donner la formation des ambassadeurs de la
paix dans deux écoles. J’y pars en voiture avec l’Inspecteur Diocésain et le
Conseiller pédagogique. Nous avons préparé ce matin et alors que je m’étais
absentée un instant, je les ai retrouvés se questionnant sur ce que je
mangerai, si je pourrais supporter la « boule », etc. Je les ai
rassurés. Je ferai toutefois attention à prendre des comprimés pour purifier
l’eau que mes intérieurs ne sont pas sûrs de supporter.
Dimanche 5 décembre 2010
Je reviens sur ce
blog pour rapporter ce que j’ai vécu ces deux dernières semaines avec une
première expérience du Tchad en dehors de la capitale : 300 kms au Sud de
N'Djaména soit 150 kms de route goudronnée et 150 kms de piste incluant la
traversée du Chari en bac, particulièrement longue en raison du haut niveau des
eaux actuellement.
Du dimanche 21 au
dimanche 28 novembre, j’ai vécu 8 jours « en brousse » comme on dit
ici… pour poursuivre la formation des Ambassadeurs de la paix dans les écoles
Catholiques de deux petites villes, Bousso et Ba Illi. Nous étions la même
équipe de trois avec laquelle je travaille depuis le début : Moïse,
l’Inspecteur Diocésain, et Larmé, Conseiller pédagogique, de N’Djaména. Ce
dernier est originaire de Bousso petite ville qu’il connait comme sa poche et
où lui-même est bien connu… sous le nom de Mosso ! Il appartient à une
famille de la chefferie locale et le sultan de Bousso (qui nous a reçu mais que
je n’ai pas pu photographier car c’est interdit !) est son neveu. Pour
accéder à la ville, il est nécessaire de prendre un bac. En raison du haut
niveau des eaux du Chari, le trajet sur l’eau dure une heure ou 35 minutes
selon que l’on descend au fil du courant ou qu’on le remonte. En allant, nous
avons entrevu les narines et le dos d’un hippopotame et entendu son meuglement.
Concernant la
formation des ambassadeurs de paix, j’ai constaté une réelle différence entre
le public citadin de N’Djaména et celui des deux villages de Bousso et Ba Illi.
Les enfants (de CM1 et CM2) comprenaient à peu près mais avaient une grande
difficulté à s’exprimer en français, langue qu’ils n’utilisent qu’à l’école… A
Ba Illi, j’ai interrogé une fille qui me guidait dans la ville. Nous
conversions et elle s’exprimait dans un français très correct. Je lui ai demandé
son avis sur le relatif silence que les enfants gardaient lorsqu’on leur
donnait la parole. Elle m’a répondu, ma sœur, c’est « la honte »…
honte de ne pas dire ce qu’il faut comme il faut, de la manière qu’il faut…
honte sans doute significative de l’éducation reçue non seulement à l’école
mais en famille. Les faits vécus rapportés par les enfants sont aussi
évidemment marqués par leur contexte de vie. Le temps passé autour des points
d’eau, le travail des champs à accomplir au retour de l’école, la hiérarchie
plus marquée qu’en ville entre grands et petits dans la famille sont des lieux
où se joue la paix…
A Bousso, j’ai
habité au presbytère et cela m’a permis une liberté de visite avec mes deux
compagnons pour découvrir la ville en fin d’après-midi et en soirée. A Ba Illi,
les sœurs Missionnaires du Christ Jésus m’ont accueillie chez elles. Elles sont
trois : une congolaise (RDC) qui est la Directrice de l’école où nous
travaillions, une Slovène et une Espagnole qui sont toutes les deux engagées
dans la pastorale. Elles ont ouvert un petit internat pour une cinquantaine de
filles de l’ethnie Kwong qui sans cela n’auraient aucune chance d’aller jamais
à l’école. J’ai été frappée (et les sœurs m’ont partagé leur tristesse) de voir
beaucoup de femmes dans les cabarets où est vendue la boisson locale, la bière
de mil ou bilibili. Le dimanche soir, à notre arrivée à Bousso, une enseignante
nous a dit que c’était le soir des bagarres… car les gens boivent trop. Mais en
semaine aussi, l’odeur de la bilibili est frappante et ses effets visibles sur
certains (certaines surtout). Voici quelques photos du voyage et des deux groupes d'ambassadeurs de
paix formés à Bousso et Ba Illi.
Cette semaine qui
était marquée le 3 par la fête de St François Xavier, Monique Godde, ma consœur
responsable du Centre Emmanuel (Centre de soutien scolaire pour Collégiens et
Lycéens) m’a invitée à venir parler aux élèves de ce centre, lundi aux aînés et
vendredi, aux plus jeunes. Je l’ai fait après une messe célébrée avec quelques
élèves par le prêtre ordonné il y a 15 jours à la cathédrale qui est un ancien
du centre. J’étais heureuse de pouvoir intervenir devant un public plus âgé que
les ambassadeurs de paix du primaire. J’ai été touchée de la qualité
d’attention que les deux groupes m’ont accordés et de leur désir de paix.
Et surtout, j’ai
demandé à Monique de pouvoir proposer une formation à ceux d’entre eux qui
voudraient être « bâtisseurs de paix ». Ils ont été nombreux à se
dire intéressés, et même si je ne connais pas encore le nombre d’inscrits, je
me réjouis de cette occasion d’animer un temps de formation pour ces
adolescents, pour un public plus hétérogène du point de vue religieux et
ethnique que celui des écoles catholiques et en étant libre de l’itinéraire que
je pourrais suivre.
La température
devient plus supportable que précédemment. Les Tchadiens ont froid la nuit…
même si mon thermomètre n’est pas descendu pour l’instant en dessous de 24°C… Il
fait très très sec… un taux d’hygrométrie de 2%. Hier, pour la première fois
depuis mon arrivée, j’ai été nager : un couple de jeunes français amis de
la communauté (la jeune femme est ancienne de Ste Marie de Neuilly) réside dans
la « bulle » (c’est eux qui le disent, et l’expression n’est pas
erronée) d’une entreprise française de travaux publics dont les villas abritent
une piscine… Cela fait un bien immense ! Mon corps s’adapte plus
difficilement que je ne l’avais imaginé aux conditions climatiques et
environnementales. Heureusement, actuellement les coupures d’électricité sont
moins longues…
Cette semaine a été
divisée en deux activités différentes et complémentaires. D’une part, j’ai
animé la formation des ambassadeurs de paix lundi, mardi et mercredi dans une
école de N’Djaména, le Béguinage (du nom du quartier), Notre Dame de la Paix
(de son vrai nom). Nous avions un groupe réactif, voire très réactif ! La
sœur Directrice (Sr Claude, de la congrégation des St Cœurs de Jésus et Marie)
nous a envoyé un groupe d’élèves « perturbateurs » pour que nous les
aidions à se ranger ! Je ne sais si nous avons réussi, mais tous ont
participé avec cœur… et avec le désir de la paix. Nous avons eu de belles
expériences de ponts de paix, le second jour, où presque tous ont été faire une
démarche de réconciliation avec un ou une amie avec qui ils étaient brouillés,
depuis une période plus ou moins longue. Un d’eux a même traversé « le
pont double voie » sur le Chari (beau symbole) pour aller dire à son frère
qu’il ne lui en voulait plus de ne pas l’avoir averti de son mariage ! Une
fille a parlé pour la première fois avec la « bonne » de sa sœur
qu’elle a croisée trois fois par semaines depuis deux ans sans lui adresser le
moindre mot !
Jeudi et vendredi,
j’ai pu prendre le temps de mettre au propre le module 1 de cette formation
intitulé « Construire la paix en soi » et avancer dans la conception
du module 2 « Faire grandir la paix autour de soi ».
Ce matin, j’étais à
la fête de l’école du béguinage et j’ai pu admirer le travail des enseignants
pour arriver à « tenir » les 750 enfants du CP1 au CM2 à peu près
tranquilles, assis sur des nattes pour les plus petits… et les avoir entraînés
pour des saynètes et des poèmes autour de la paix !
Un mot des
conditions de vie actuelles : nous avons beaucoup moins de coupures de
courant et c’est bien appréciable. La température nocturne baisse sérieusement
et les nuits sont devenues presque fraîches. L’air est extrêmement sec. La peau
se dessèche et les muqueuses des voies respiratoires s’irritent. La poussière
déjà copieuse auparavant est abondante et envahi tout. Je mets un masque
protecteur lorsque je prends ma mobylette… avec laquelle, à défaut de skis, je
m’exerce à une autre forme de glisse : évoluer sur le sable sans tomber.
Dans le domaine des réjouissances nocturnes, je n’ai pas encore évoqué les
concerts de hurlements à la mort et d’aboiements de chiens… qui se répètent
plusieurs fois et durent parfois longtemps et troublent sérieusement le sommeil
des humains. Heureusement, les moustiques qui n’aiment pas la fraîcheur se sont
faits plus discrets !
N’Djaména est en
transformation intense en vue de la fête de l’indépendance qui aura lieu le 11
janvier prochain : de nombreuses rues sont goudronnées, les trottoirs
pavés… La place de l’indépendance qui s’étend en face du palais présidentiel et
devant la cathédrale commence à prendre tournure. Je ne sais si les projets
pharaoniques de bâtiments administratifs qui avaient été exposés verront le
jour ensuite, mais la place sera sûrement belle… Les N’Djaménois m’apparaissent
partagés entre fierté et agacement : fierté de voir leur ville
s’améliorer, et agacement devant d’autres urgences non traitées : emploi,
éducation, santé, etc.
Dimanche 19 décembre
2010
J’ai vécu une semaine très intéressante… Elle a
commencé dimanche dernier et lundi par une formation à des jeunes du second
cycle du Centre Emmanuel. Ils étaient 14 (9 garçons et 5 filles ; 7
chrétiens et 7 musulmans) venus se former pour être bâtisseurs de paix. J’ai
été très frappée lorsque je leur ai demandé de partager l’objectif qu’ils
avaient en s’inscrivant à cette formation : « Je veux la
paix, la paix dans notre pays, notre établissement, notre
quartier ; être en paix avec les uns et les autres ; vivre en
harmonie ; je veux des conseils qui permettent de bâtir la paix ; je
veux être formée et aider mes frères à l’école et au quartier… pour que la paix
revienne au Tchad ; Je veux qu’au Tchad on retrouve la paix ; Je veux
être médiateur de paix ; Je veux apprendre à faire la paix entre les
frères tchadiens ; apprendre aux autres à faire la paix ; Je veux
aider mes petits frères pour que la paix revienne au Tchad ; Je suis venue
à cette formation pour avoir des informations, des conseils pour aider mes
parents et mes camarades ; Je veux avoir l’amour des autres ;
J’aimerai vivre dans la paix, apprendre à être bâtisseur de paix ; Je suis
venu à cette formation pour aider mes frères à trouver la paix, à travers la
réconciliation… ». Certains ont ajouté « Qu’il n’y ait
plus la guerre ». Ces jeunes ont vécu les événements de février 2008
et en ont été profondément marqués. L’un d’eux me partageait avoir vu des morts
dans les rues, des gens sauter du pont de Chagoua pour fuir… et trouver ainsi
la mort. Il revoyait parfois ces images la nuit, signe que le traumatisme
reste. J’ai insisté auprès d’eux sur l’importance qu’ils s’engagent là où ils
sont, à leur mesure pour faire progresser la paix, celle qui dépend d’eux,
humblement, jour après jour. J’ai particulièrement travaillé les préjugés, les
murs. Ce n’est pas si facile. Dimanche nous mangions ensemble assis autour d’un
même plat pour 5 ou 6. Je partageais le plat avec 5 garçons. Mon voisin me
semblait gêné : c’était la toute première fois qu’il mangeait dans le même
plat qu’une femme !
Parmi les préjugés que les jeunes ont mentionnés
figurent ceux relatifs à la division du pays nord/sud : les sudistes
voient les nordistes comme des analphabètes, des criminels et de racistes et
les nordistes voient les sudistes comme des esclaves, des alcooliques, des
vauriens… Si ces murs ne sont pas détruits, la paix ne peut pas s’installer.
Les jeunes ont partagé des ponts qu’ils ont déjà construits. Tous avaient déjà
des expériences dans lesquelles ils avaient fait grandir la paix autour d’eux,
entre des amis, dans la famille, en classe… Ils sont repartis avec la volonté de
construire des ponts en aidant à défaire des préjugés et en multipliant les
contacts avec d’autres vers qui ils ne seraient pas spontanément allés. Le fait
même de vivre ensemble cette formation a été très bénéfique, car ils ont vu que
chacun d’eux, quelle que soit son origine, sa religion, son sexe avait le désir
de la paix, et un désir engagé, puisque tous étaient venu participer à cette
formation.
J’ai eu beaucoup de joie mardi en allant rencontrer
les ambassadeurs de paix de deux écoles que nous avions formés en octobre. J’ai
passé un moment formidable avec ces enfants qui ont partagé ce qu’ils avaient
fait depuis la formation : des réconciliations (y compris dans leur
famille avec des plus grands qu’eux), des interventions pour faire cesser des bagarres.
Les bagarres ont diminué dans les cours de récréation. Je les ai lancés sur une
campagne « stop à la moquerie ». Que ce soit en accompagnant des
étudiants, dans la formation avec les grands adolescents ou avec ces petits, je
me suis rendue compte à quel point la moquerie blesse les relations et fait du
mal aux personnes.
Mardi après-midi, j’ai rencontré le P. Gherardi,
jésuite fondateur de l’hôpital du Bon Samaritain qui vient d’être construit à
N’Djaména et qui abrite aussi une faculté de médecine. Le Père, soucieux de la
formation humaine des étudiants selon le protocole qui unit l’hôpital au réseau
ICAM, m’a fait appel pour assurer cette formation, via un jeune DCC qui me
connaît. Nous avons programmé une semaine en mars. Je me réjouis beaucoup de
cette contribution dans un domaine si vital pour ce pays. Je les rencontre
demain lundi pour un premier contact.
De mercredi à vendredi, nous avions une formation
pour les enseignants de CM1 et CM2 à propos des « life skills »,
compétences de vie, démarche adoptée par le programme EVA qui existe depuis de
longues années dans les écoles du Tchad. L’enjeu en fait était de faire
percevoir aux enseignants la richesse d’une pédagogie active fondée sur le
développement de compétences. J’ai pu apporter ma contribution grâce à mon
expérience du C.F.P. Les enseignants manquent de formation, mais non de bonne
volonté. L’atmosphère était très positive, et ils manifestaient vraiment le
souhait d’apprendre et de découvrir comment faire pour rendre actif leurs
élèves. C’est à mon sens d’autant plus important que les classes sont chargées
(entre 45 et 75 enfants dans l’enseignement catholique ; parfois bien plus
dans le public !).
Hier nous avons appris que le président avait
décidé de reporter les vacances à la période du 1° au 15 janvier… Décision sage
(quoique bien tardive) en raison des fêtes de l’indépendance qui vont mobiliser
tout le monde autour du 11 janvier !
Un petit mot du climat : la température est
presqu’agréable actuellement, les nuits sont fraîches. Hier, j’ai connu ma
première coupure d’eau (en plus de l’absence de courant). C’est plus
handicapant de manquer d’eau que de courant ! Heureusement, pour le moment
nous n’avons pas ce vraiment ce problème ; l’eau était à nouveau au
robinet le matin. J’espère que ce n’était pas un signe avant coureur de
coupures plus fréquentes !
Je pense bien à la France bloquée par la neige,
mais aussi à la Côte d’Ivoire, à Haïti, à la Corée… Je pense à chacun de vous à
l’approche des fêtes de Noël et de Nouvel An. Qu’elles soient un temps de pause
pour mieux aimer, et prendre soin de soi en vue de prendre soin de ce petit
coin de planète dans lequel chacun a mission de planter et de semer la paix, la
vie et l’amour…
Mes vœux exprimés ci-dessus restent actuels... je
poursuis aujourd'hui avec quelques nouvelles.
Hier après-midi avait lieu, à l’initiative de
l’archevêque de N’Djaména, un concert de chorale de différentes paroisses pour
la paix, la réconciliation et le pardon. Je suis rentrée à pied et ai vécu une
expérience de paix très heureuse : les gens rencontrés dans la rue, des
personnes inconnues comme d’autres connues, me saluaient et parfois faisaient un
bout de chemin avec moi. J’ai bavardé ainsi avec un manœuvre, deux jeunes
femmes (bavardé ne convient pas pour elles car elles ne parlaient que l’arabe
et pas le français alors que dans mon cas c’est l’inverse… mais nous avons
échangé des sourires chaleureux), deux petits garçons dont l’un est fils d’un
voisin général, plusieurs étudiants, un homme handicapé qui demeure près de
chez nous… Les uns étaient chrétiens, catholiques ou protestants, d’autres
musulmans… Une autre façon de vivre la paix que ces échanges simples et
cordiaux, à l’heure où en Irak ou en Égypte, certains sont tués en raison de
leur appartenance religieuse.
Ce matin, l’archevêque a célébré une messe pour la
paix dans une cathédrale comble, en présence de plusieurs ministres, d’un représentant
des églises protestantes et d’un représentant des musulmans. A la fin de la
messe, tous les quatre ont lancé des colombes (en fait des pigeons) dans la
cathédrale et les quatre volatiles se sont envolés à la grande joie des
assistants : il parait que c’est la première fois que tous les oiseaux
s’envolent ! Plusieurs y ont vu un signe de bon augure pour la paix au
Tchad. Ce qui personnellement me semble signifiant, c’est le souhait des jeunes
(et moins jeunes) que je rencontre, en ces jours où nous nous apprêtons à
célébrer le cinquantenaire de l’indépendance.
Pour moi, je poursuis dans cette ligne de la
formation de bâtisseurs de paix. Prochainement, j’interviendrai auprès des
Kemkogi (appelés ailleurs CVAV ou Cœurs Vaillants, âmes vaillantes). Je m’appuie,
en l’adaptant au Tchad et à l’âge des publics que je rejoints, sur la démarche
des bâtisseurs de ponts de paix selon l’appellation donnée à l’IFHIM
(Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal). Je sens combien cette
démarche est pertinente : pas de grands discours, mais des expériences à
vivre et des pistes concrètes pour avancer sur un chemin de paix : aller
vers l’autre, faire un pas vers un inconnu, rencontrer une personne vers qui je
n’irai pas spontanément. Je vois combien la paix est une décision pour plagier
Jeannine Guindon, fondatrice de l’IFHIM à propos de l’amour. Vivre avec l’autre
différent, ce ne peut être que le fruit d’une décision, du choix librement
consenti et alimenté au quotidien, de dépasser agacements, modes et habitudes
de vie différentes, opinions opposées et de choisir l’autre tel qu’il est. Je
le vis au quotidien… Ce n’est pas toujours facile de combiner rythmes,
habitudes, façons de voir, de penser, de faire, etc. entre personnes d’une même
communauté, venant d’un même pays, partageant la même religion et nourrie par
une même spiritualité. Au niveau d’une nation, il est important de chercher un
objectif commun : c’est l’effort que me semble vouloir faire le Tchad
actuellement avec la volonté affichée de former une nation unie. De nombreux
dépassements sont nécessaires et les résistances individuelles et
communautaires subsistent parfois fortement.
Cette semaine je suis plus ou moins en vacances,
même si ce mot ne correspond pas vraiment à une réalité. En effet, les vacances
devaient avoir lieu du vendredi 24 décembre au lundi 3 janvier, mais le jeudi
23, le Président de la République a annoncé que les vacances étaient reportées
du 3 janvier au 15 janvier. En soi la date du 11 janvier avec les grandes
manifestations prévues pour fêter l’indépendance justifient ce changement… que
nous eussions aimé connaître plus tôt. Bref, en ce qui me concerne j’ai eu un
rythme un peu plus lent depuis le 24 décembre et j’aurai un rythme toujours un
peu ralenti pour les jours à venir, tout en maintenant des activités … et en
veillant à prendre le repos et la détente nécessaires. Des Français qui étaient
en vacances m’ont permis de profiter de leur piscine pendant leur
absence : même si la dimension de cette piscine est seulement de quatre
brasses… en diagonale, cela m’a fait un bien immense. Malheureusement, cette
piscine est située à 10km de chez nous et avec ma mobylette capricieuse, c’est
vraiment beaucoup ! Du coup, je suis partie explorer dans mon
environnement proche et je suis sur une piste, chez un couple d’Américains
(US). Je m’en réjouis par avance, car les moyens que j’ai trouvé jusqu’à
présent pour refaire mes forces lorsque je suis fatiguée ou tendue (step,
marche rapide) seront difficiles à mettre en œuvre avec les chaleurs que l’on
m’annonce à partir de mars !
Lundi 17 Janvier 2011
Les dernières semaines ont été riches en
événements… Personnellement, j’ai eu la joie d’animer deux moments d’initiation
et de formation avec des bâtisseurs de paix : d’une part avec les
coordinateurs et délégués Kemkogis (CVAV) et d’autre part, une suite sur trois
jours avec le groupe de bâtisseurs de paix du Centre Emmanuel. C’est très
intéressant pour moi d’avoir un même groupe une seconde fois pour voir comment
la formation a travaillé et ce que les jeunes ont expérimenté dans leur milieu.
Avec les Kemkogis, lorsque je suis arrivée, j’étais en avance et eux en retard
si bien que j’ai pu les observer… dans leur comportement au naturel, et je suis
partie de là : comment ils accueillent l’étrangère (que j’étais), comment
une moquerie apparemment innocente est porteuse d’un message qui ne crée pas la
paix… Je me suis appuyée aussi sur le caractère diffusif de l’attitude et de la
décision de paix, alors même que l’attitude contraire est elle aussi diffusive.
La semaine dernière, et particulièrement mardi et
mercredi, avaient lieu les célébrations de l’indépendance du Tchad. Un grand
moment de liesse populaire et de fierté nationale. Je me suis rendue sur la
place de l’indépendance re-nommée « Place de la Nation » à pied. En
chemin, j’ai pu échanger avec de nombreux Tchadiens, fiers de l’allure qu’a
pris leur capitale en quelques semaines. Ces derniers jours, la ville
ressemblait à une fourmilière pour mener à bien tous ces travaux, et si tout
n’était pas achevé pour le jour J, les ouvriers poursuivent leur tâche ces
jours-ci, et il semble que cela va continuer encore. Quelle joie de sentir
ainsi ce pays bouger… j’étais venue il y a 9 ans et la différence est
flagrante. Nous venons d’accueillir Brigitte qui va succéder à Claire dans la
communauté et auprès des étudiants des deux Centre Catholiques Universitaires
(CCU). Elle a quitté le Tchad en 2002 et en la ramenant de l’aéroport dans la
nuit de samedi à dimanche comme en lui faisant faire un tour de ville dimanche,
j’ai encore mieux réalisé le changement : elle avait vraiment du mal à
reconnaître N’Djaména qui a fait peau neuve. Les défilés et autres
manifestations qui ont eu lieu ont aussi été des occasions de célébrer l’unité
du Tchad… et, j’espère, comme chacun ici, de tourner définitivement la page aux
divisions et guerres fratricides. Ma tâche de former des bâtisseurs de paix
n’en est que plus utile… Le déplacement prévu dans les différentes régions est
légèrement décalé. J’en profite pour prendre des contacts multiples.
Quelques photos des fêtes de l’indépendance peuvent être regardées à
partir de ce lien. Elles montrent les travaux intensifs qui ont
transformé N’Djaména (et heureusement continuent après les célébrations officielles) :
Goudronnage des rues, pavages des trottoirs, aménagements des rond points et
réalisation grandiose de la place de la Nation sur laquelle se sont déroulées
les festivités. J’ai pris des photos du défilé militaire qui avait des allures de
14 juillet (si l’on excepte la présence des dromadaires…). En les prenant, je
rêvais que toute l’énergie, la rigueur, les moyens financiers et humains
déployés pour une parade de soldats soient convertis en dynamisme au service du
développement du pays…
Dimanche 30
Janvier 2011
Début janvier, avec les parents de Jean
[séminariste de Paris qui passe une année au Tchad, et sert au Centre Emmanuel]
nous avons été une journée à Maïlao (50 kms au sud de N’Djaména) et nous
faisions le constat surpris de la rareté des espaces cultivés (et pourtant
humides car bordant le Chari) dans un périmètre si proche de N’Djaména ville
pourtant très demandeuse de produits vivriers qui lui viennent pour l’essentiel
du Cameroun voisin… Brigitte qui nous a rejoints après de nombreuses années à
Abidjan (dont plusieurs ont été communes) s’étonne de la cherté de la vie. Le
rapport entre les salaires et le cout de la vie est dramatique pour de
nombreuses familles.
Nous avons commencé depuis une dizaine de jours la
visite de suivi des écoles par rapport au programme « culture de la
paix ». « Nous », c'est-à-dire le Directeur National de
l’Enseignement Catholique, le planificateur, et l’Inspecteur diocésain et le Conseiller
pédagogique du Diocèse concerné, et bien sûr moi-même. Pour le moment, nous
avons fait le tour des écoles de N’Djaména. Le déroulement est le
suivant : le matin, nous passons de classe en classe pour nous faire une
représentation des acquis théoriques des enfants sur les valeurs de paix. Par
exemple celui qui anime (nous le faisons à tour de rôle) leur demande :
« La paix, pour vous c’est quoi ? » Ensuite, nous les
questionnons sur le pardon, la moquerie, la bagarre entre eux, et invitons ceux
qui le veulent à faire une démarche de réconciliation avec un autre. Ainsi deux
filles de CE2 dont l’une avait insultée par l’autre avec le vocable
« bordel » (en arabe) s’est vue traitée en retour de sorcière… Elle a
répondu et l’échange a dégénéré… de sorte que depuis plusieurs semaines ces
deux amies ne se parlaient plus. Je leur ai demandé si elles voulaient rester
ainsi ou si elles voulaient redevenir amies. Devant les autres élèves de la
classe, elles se sont demandé pardon et se sont salué… C’est l’occasion de
manifester que demander pardon est un acte qui demande du courage !
Les après-midi, nous nous adressons aux parents
pour les associer à l’effort d’éducation à la paix qui se fait à l’école. Après
un mot introductif assez bref, les parents posent des questions et apportent
leur contribution. Leur préoccupation porte sur la suppression de la chicote et
des châtiments corporels dont les enseignants sont supposés ne plus user.
Difficile de se détacher de moyens « éducatifs » qui ont été les
leurs… Le désir de la paix, des échanges interreligieux sont exprimés par plusieurs.
Et dans chaque école les parents nous interpellent pour que ce que nous faisons
dans les écoles catholiques puisse aussi être étendu à toutes les écoles du
Tchad, et au-delà des écoles… Nous les invitons à être eux-mêmes les diffuseurs
et les relais de cette culture de paix… La semaine qui vient, nous allons
partir dans le Guéra (région à l’est du Tchad) visiter les écoles de Mongo et
de Bitkine. Je me réjouis de découvrir cette région.
Après avoir vécu une quinzaine de jours à un rythme
ralenti à cause de problèmes intestinaux (parasites, amibes, ou ? )
le traitement suivi a eu un effet positif et j’ai retrouvé la santé et
l’énergie. La chaleur est revenue après quelques semaines merveilleuses du
point de vue de la température… et avec la chaleur, les coupures de
courant !
Lundi 7 février 2011
Je suis revenue samedi de la région au Centre Est du Tchad
appelée le "Guéra". Une très belle région montagneuse... et sèche.
Comme à N'Djaména la semaine précédente, nous sommes passés dans les classes de
deux écoles primaires de Mongo et d'une école primaire et d'un collège de
Bitkine. Joie d'un échange avec des enfants qui s'expriment sans autre frein
qu'un français défaillant. Nous avons aussi rencontré les parents, avec
toujours la question de la chicotte comme objet de débat. Un parent a partagé
qu'il était heureux de notre passage car il avait supprimé la chicotte depuis
bien longtemps et avait imaginé d'autres manières d'installer la discipline,
positives et contractuelles !
Je reviendrais sur ce blog lorsque je pourrai : pour
le moment mon emploi du temps est très chargé !
Passionnant et prenant... Cette semaine, je donne une
formation de deux jours pour les enseignants du primaire de N'Djaména : je
veux leur donner des outils pour la formation à la culture de paix. Et en fin
de semaine je donnerai aussi deux jours pour les ambassadrices de paix d'un
collège (l'Assomption). Je suis très intéressée par cette première expérience
dans le secondaire et vise à former les professeurs responsables, mais tout
ceci me demande un travail intense de préparation.
Dimanche 13 février 2011
Jeudi et vendredi, j'ai donné une formation à tous les
enseignants du primaire des écoles catholiques du Diocèse de N'Djaména sur le
thème de la culture de la paix. Initialement, j'avais prévu de leur faire vivre
des éléments de la formation donnée à leurs élèves ambassadeurs de paix, en
adaptant évidemment à leur maturité. Cependant, en passant dans les écoles, je
me suis rendue compte qu'ils avaient besoin de découvrir de nouveaux moyens
pour la discipline dans leurs classes. En effet, la Direction Nationale a
demandé la suppression de la "chicotte" et des châtiments corporels.
En dépit de quelques résistances et quelques "résistants" la chicotte
a disparu dans presque toutes les écoles et les classes... Mais les enseignants
semblaient la regretter. Ils se sont soumis à la directive, sans toujours en
assumer le sens, et pour certains sans trouver par quoi la remplacer dans la
conduite de classe. Il faut avouer que la formation des enseignants est
fortement déficitaire. Certains d'entre eux n'en ont même reçu aucune tandis
que leur niveau de base est lui aussi défaillant. J'ai donc consacré une demi-journée
à la conduite de classe selon une éducation à la culture de la paix. C'est très
passionnant de former des enseignants déjà en place. Le second jour était
consacré à la résolution des conflits, nombreux, entre les élèves. J'ai conçu
un module sur ce thème pour les Ambassadeurs de paix appelés à devenir des
Ambassadeurs-Médiateurs de paix. Avant de le donner il était important que les
enseignants soient sur la même longueur d'onde, afin de pouvoir les soutenir
sans faire à leur place.
Hier (samedi) et aujourd'hui (dimanche) je suis allée
commencer à former les ambassadrices de paix du collège de l'Assomption, un
collège de filles qui marche très bien. Elles étaient 30 élèves de la 6°
préparatoire à la 3°, chargée d'animer les « Cités de paix »
constituées au Collège. C'était la première fois que j'intervenais auprès du
niveau Collège et je suis très heureuse du chemin parcouru et de l'accueil fait
par ces filles à la formation. Je les ai envoyées en "mission de
paix" hier soir dans leur famille... Elles ont rapporté ce matin ce
qu'elles avaient pu faire : démarches de réconciliation, attitude nouvelle
envers les parents, transformation intérieure, etc. C'était très beau. Je les
revois dans un mois. Demain je pars visiter des écoles dans le Sud pour une
semaine: Laï, Kelo et Pala... Ma découverte du Tchad s'approfondit.
La chaleur monte, monte, monte. La météo annonce des
46°C. Il parait que c'est très tôt ! Pas d'autre solution que de vivre
avec, en cherchant les moyens pour supporter.
Dimanche 13 mars 2011
Les dernières semaines ont été occupées par de multiples
voyages dans tout le pays. Après l’Est, avec Mongo et Bitkine, j'ai été vers le
Sud en deux déplacements avec un retour d’une semaine à N’Djaména au
milieu : d’abord Kélo, Laï et Pala (dans
les régions de la Tandjilé et du Mayo Kebbi – photos en cliquant sur ce lien)
puis à Moundou, Goré, Donia et Doba (dans
le Logone occidental puis le Logone oriental – photos en cliquant sur ce lien).
J’en suis rentrée vendredi et repars samedi prochain vers Koumra et Sarh. Ces
tournées ont pour but de nous permettre de prendre la mesure de ce qu'a produit
comme fruits l’effort en vue d’installer une culture de paix dans les écoles
catholiques et à partir d’elles. Dans toutes les écoles où nous sommes passés,
le constat général est que le nombre de bagarres entre élèves a diminué, que la
chicotte a, pour l’essentiel, disparu des pratiques éducatives des maîtres et
que les parents ne viennent pratiquement plus trouver le directeur ou la
directrice pour porter plainte contre un assaillant de leur rejeton ! Les
enfants élus ou désignés pour être « ambassadeurs de paix » veillent
pendant les temps de récréation à séparer les éventuels adversaires :
« Arrêtez ! La bagarre, c’est pas bon, nous sommes tous des
frères, la bagarre ne vous grandira pas, etc. ». Et le plus souvent
les enfants s’arrêtent de se taper dessus… Parfois, les règlements de compte se
font au quartier, preuve qu’il y a encore un travail à accomplir pour que les
enfants apprennent véritablement à résoudre leurs conflits autrement que par la
violence.
Un véritable fléau qui ajoute au problème de la violence
dans les régions du Sud est celui de l’alcoolisme. Nombreux sont les hommes
mais aussi les femmes qui boivent. Il n’est pas rare de voir des personnes
titubantes ou éthyliquement gaies dès la matinée mais plus encore en fin de
journée. Et la boisson a des effets pervers dramatiques que les évêques
dénoncent depuis des années sans trouver les moyens de résoudre les problèmes.
L’alcool favorise la violence, accroit la pauvreté et créé un déficit éducatif
chez des parents occupés à boire au lieu de suivre leurs enfants.
Dans une classe d’une école de filles, à Doba, j’ai
demandé aux élèves (des CM1) si elles buvaient. Plusieurs ont répondu que non,
mais d’autres n’ont rien dit… Je leur ai fait calculer la somme qu’économiserai
sur une année une maman qui arrêterai de consommer trois calebasses de bilibili
(la bière locale). Cela fait une somme déjà importante, mais je crois que j’ai
été trop timorée dans le nombre de calebasses !
Le déplacement dans la zone de Doba dans laquelle le
pétrole Tchadien est exploité depuis 2003 est riche d’enseignement sur le
faible profit que retirent les populations de cette manne… Pourtant, en
traversant le Tchad comme je l’ai fait, j’ai pu constater que des écoles et des
hôpitaux ont été construits récemment… Mais les écoles n’ont pas d’élèves faute
d’enseignants et les hôpitaux sont sans médecin. Ainsi par exemple à Benoye,
j’admirai l’hôpital situé à l’entrée de cette petite ville. Un des enseignants
de l’école que nous visitions nous a dit que le médecin qui avait été affecté
était parti en formation pour trois ans et qu’il n’était pas remplacé !
Personnellement, il me semble, concernant les écoles qu’il serait préférable
d’investir prioritairement dans la formation des enseignants… même si ceux-ci
devaient dans un premier temps enseigner dans des classes en secko (paille
tressée).
Car dans nos missions de suivi, les parents disent souvent
que le niveau des élèves baisse… et mettent parfois ce fait (réel) en lien avec
la suppression de la chicotte : c’est parce que les enfants ne sont pas
frappés qu’ils travaillent moins. A quoi nous répondons que la chicotte ne rend
pas intelligent, que beaucoup d’enfants dans le passé ont arrêté d’aller à
l’école par lassitude des coups et que la chicotte engendre un climat de peur
peu propice aux apprentissages. Mais surtout, le niveau baisse au Tchad depuis
des années, bien avant que la demande de supprimer la chicotte (légalement
interdite depuis des années, sans effet) ait été formulée pour les écoles
catholiques. Le manque de livres, les effectifs pléthoriques, l’introduction de
la télévision dans les villages et des films (genre thrillers violents) et
surtout le faible niveau des enseignants rendent plus sûrement compte de cette
baisse de niveau… Ce dernier point est difficile à mettre en lumière dans nos
réunions alors même qu’il est le point névralgique. Comment reprocher à un
enseignant recruté au niveau BEPC ou titulaire d’un bac actuel de faire des
erreurs d’orthographe, comment reprocher à des enseignants n’ayant eu dans le
meilleur des cas que 9 mois de formation, comment reprocher à des
« maîtres communautaires » rémunérés par les parents d’élèves (pour
qui c’est un gros effort financier) à hauteur de 20 000F CFA (soit 30€… parfois
plus, parfois moins encore !) de prendre leurs après-midi pour travailler
leur champ plutôt que de préparer des cours ou corriger des cahiers ?
Personnellement, je travaille pour que l’effort que nous faisons pour les
former à la culture de paix, ait un impact général sur la qualité de
l’enseignement.
Je souhaite un bon temps d'entrainement pour mieux aimer à
ceux et celles qui vivent ces semaines le carême (= "car aime"
comme transcrivait une élève ivoirienne fort à propos)
Samedi 2 avril 2011 : Photos de mon dernier voyage
Voici quelques
photos de mon dernier voyage qui vient clore les visites de
suivi des écoles pilotes du projet d'éducation à la paix. Ces prochaines
semaines, je resterai à N'Djaména pour donner différentes formations, dans les
écoles et collèges, aux enseignant(e)s de pré-CP, aux étudiants en médecine et
futurs étudiants infirmiers, à des jeunes animateurs de développement et à
l'Assemblée des délégués des comités de Justice et paix de tout le pays. Un
programme intense à intégrer au climat très chaud qui sévit ici.
Nous suivons au jour le jour les évènements de Côte
d'Ivoire. Brigitte en vient et y a passé plus de 15 ans et moi-même y suis
restée 11 années. Que de gâchis et de tristesse de voir que la folie de
certains entraîne tout un peuple dans la tourmente. La paix est un bien
tellement précieux et si fragile. Que chacun là où il est s'emploie à la faire
grandir sans relâche : que le petit bout qui dépend de nous ne manque
pas...
Lundi 25 avril 2011: Bonne fête de Pâques
Bonne fête de Pâques à tous… Pâques, célébration de la vie
plus forte, de l’amour plus fort… Sous certains cieux, Pâques coïncide avec la
venue du printemps, l’apparition après l’hiver des premières fleurs, l’éclosion
des bourgeons. La nature symbolise le mystère de Dieu pour manifester la
résurrection. Ici, pâque prend la couleur de la chaleur plus intense… Il fait
encore plus chaud que pendant les autres saisons. Elle varie le jour entre 45
et 50°C, et la nuit, la température ne descend pas dans la maison en dessous de
33°C et la météo nous prédit des nuits encore plus chaudes.
Nous avons fêté Pâques dans ce contexte vraiment
éprouvant!!! Cette donnée climatique occulte un peu tout le reste. Je m’efforce
de trouver des petits trucs qui permettent de trouver un peu de
fraicheur : j’ai dormi plusieurs jours sous un paréo que je mouillais
plusieurs fois, jusqu’à ce que des allergies apparaissent... Avec un
vaporisateur de produit à laver les vitres abondamment rincé préalablement, je
m’envoie des petits nuages d’eau sur le visage, ce qui produit une douce impression…
qui dure quelques secondes !
J’avais laissé entendre dans un message précédent sur ce
blog que j’avais trouvé une piscine proche de chez nous chez des particuliers
qui accepteraient de m’accueillir. Je m’étais vraiment réjouie de cette
heureuse possibilité de nager même dans une piscine petite (quatre brasse en
diagonale maximum !). Malheureusement, ladite piscine est encore
actuellement sans eau pour des raisons techniques. Il y a deux semaines, J’ai
décidé de prendre un peu de vacances et je me suis offert un abonnement à la
piscine d’un grand hôtel de la place. J’ai ainsi pu aller nager tous les jours
et cela m’a fait vraiment beaucoup de bien.
Nous sommes en train d’équiper notre maison de panneaux
solaires qui nous offrirons de la lumière… et la possibilité de faire
fonctionner un ventilateur lorsque l’électricité de la ville ne nous parvient
pas, ce qui est extrêmement fréquent ! Nous bénéficions de l’apport d’un
généreux sponsor, mais cette énergie est loin d’être à la portée de la moyenne
des habitants du Tchad. Je ne pensais pas que le solaire était si couteux et si
compliqué à installer dans un pays dans lequel le soleil ne manque pas.
Évidemment, tous les matériaux, déjà chers en eux-mêmes, sont importés, et le
transport est très dispendieux (double voire triple le prix d’achat en Europe).
Cependant, l’ensoleillement est un atout pour l’énergie photovoltaïque mais la
température est au contraire un handicap : au dessus de 25°C, la
production en électricité des panneaux solaires baisse en proportion de
l’augmentation de température. Bref, le solaire est finalement idéal pour les
pays tempérés !!!
La semaine dernière, j'ai animé une session de 30 heures
de formation humaine pour 32 étudiants de 3° année de médecine. Je me suis
abondamment appuyée la démarche de l’IFHIM qui consiste à partir des
expériences vécues. J'ai été très heureuse du chemin parcouru par certains et
de l'accueil fait par la plupart à cette session au cours de laquelle j'ai pu
les aider à découvrir leurs forces, approfondir le sens de leur vie (pas clair
pour tous car le choix de la médecine a des motivations diverses), et les
orienter vers une possibilité de gérer leurs charges affectives et leur
sexualité. Cela m’a fait beaucoup de bien d’animer cette session… Même avec une
température dépassant 40°C dans la salle ! A vrai dire pendant que
j’anime, j’oublie la chaleur.
Aujourd'hui est jour d’élection, et j’espère qu’il n’y
aura pas de troubles. L’enjeu est nul car tout le monde connait d’avance le
vainqueur et les gens ne pensent pas que des mouvements tels que ceux qui se
déroulent actuellement dans plusieurs pays arabes puissent se dérouler ici.
Voici quelques échos depuis mon pays d’adoption…
temporaire. Je ne prolongerai pas au-delà des 18 mois prévus initialement. J’ai
encore une grande tâche à accomplir pour le projet d’éducation à la paix, mais
j’ai déjà bien avancé. Mon objectif premier l’année prochaine sera
d’approfondir la formation des formateurs (Inspecteurs Diocésains, Conseillers
pédagogiques pour le primaire et responsables de la culture de paix des
établissements secondaires). Une formation de 8 jours est prévue. Mais le sens
de la formation, et surtout les finances ne permettront pas d’aller au-delà.
Toute formation coûte cher en raison au minimum des frais de déplacements et
d’hébergement des sessionnistes, même lorsque l’on ne rajoute pas de « per
diem ». Cette expression désigne la somme versée par jour aux participants
à une formation… une habitude qui, à mon sens, nuit gravement à la formation
car le coût de celle-ci pour les organisateurs deviennent insupportables.
Fidèle à ma vision idéaliste, je pensais que l’enjeu de la paix pouvait
susciter un intérêt « désintéressé » de sorte que les per diem ne
seraient pas exigés. Des expériences vécues avec des enseignants de N’Djaména
et même leurs responsables hiérarchiques m’ont amenée à déchanter… La
« motivation » reste financière où elle n’est pas ! D’un côté,
je sais bien que les gens sont à court d’argent, que la vie à N’Djaména est
particulièrement chère… d’un autre côté, je sais aussi que tous ont souffert
terriblement des événements violents de 2008 et des guerres antérieures et ne
veulent plus que cela se reproduise. Je vois qu’il y a là un champ à travailler
pour que la paix grandisse, en vérité.
Samedi 28 mai 2011
Voici plus d’un mois que je
n’ai pas écrit. Plusieurs raisons expliquent ce silence plus long que
d’habitude : les travaux pour l’installation solaire qui m’ont bien
mobilisée, les difficultés de connexion Internet, la chaleur… et des activités
qui se sont enchaînées.
Concernant la chaleur, elle
est en train de décroître. Nous sommes retombés au dessous de la barre des 40°C
et les nuits ne commencent plus qu’à 30°C pour finir autour de 28°C. En clair,
cela signifie que dormir redevient une activité agréable et reposante !
Mes activités de ces dernières
semaines ont été multiples : rédaction du dossier de demande de subvention
pour les trois années à venir du projet d’éducation à la paix pour les écoles
catholiques du Tchad ; formation des enseignantes de pré-CP (c'est-à-dire
des enfants de 5 ans, équivalent de la Grande Section de maternelle de
France) ; expérimentation du module de formation que j’ai conçu pour les
ambassadeurs-médiateurs de paix avec les élèves d’un collège secondaire puis avec
des enfants de deux écoles primaires ; formation humaine avec des jeunes
qui postulent pour entrer à l’école d’infirmiers du CHU où j’étais déjà
intervenue pour les 3° années de médecine ; formation avec les jeunes
profès (jeunes religieux/ses) du Diocèse de N'Djaména, accompagnements divers
et préparation des formations à venir.
Chacune des formations que
j’ai données est appréciée par les participants. Ils en soulignent le caractère
concret et opératoire qui tranche avec beaucoup de formations qui restent au
niveau des principes et des généralités abstraites. Je dois cette qualité à la
formation reçue à l’IFHIM qui s’appuie sur l’expérience vécue et y ramène avec
un déplacement lié à des apports et à des prises de conscience. Je transmets à
chacun de mes publics des outils comme les trois registres d’énergie ou trois
chemins que j’ai renommé « trois terrains » : terrains de
l’émotion, de l’obligation et terrain de l’autonomie sur lequel on entre par le
chemin de la décision ; le budget d’énergie et la recherche de recettes
pour équilibrer les dépenses, avec l’apprentissage de moyens pour gérer les
charges affectives, qui, lorsqu’elles surviennent, grèvent fortement le budget
d’énergie. Avec les étudiants en médecine, comme avec les futurs infirmiers, j’ai
particulièrement travaillé la question du sens de la vie en aidant chacun à
tisser trois fils : les « perles » de leur vie déjà écoulée
(expression empruntée à la démarche vécue l’année dernière en Haïti), les cris
et appels de leur peuple auxquels ils sont sensibles et auxquels ils peuvent
choisir de répondre en apportant leur contribution, et enfin, la recherche de
personnes signifiantes et inspiratrices qui peuvent les mettre sur la voie du
type d’homme ou de femme qu’ils veulent devenir. Ce travail les éclaire
beaucoup et les lance sur un questionnement dynamique qui est nouveau pour eux.
Avec les enseignantes de
pré-CP, j'ai sollicité et ai proposé des moyens pour guider le groupe en allant
chercher la décision des enfants, en les responsabilisant et d’abord en les
considérant comme des personnes, en suivant leur rythme, en tenant compte de
leurs besoins, en les rendant actifs, en veillant à l’alternance et à l’intérêt
des activités proposées…
Avec tous, je relis les expériences dans lesquels ils ont
détruit des murs et dépassé des préjugés et où ils ont construit des ponts,
relié des personnes, fait circuler la vie là où elle était bloquée. Dans chaque
formation, j'envoie les participants en « mission de paix » avec des
retours très riches de démarches de réconciliation amorcées et de paroles de
pardon accordé.
Pour les
ambassadeurs-médiateurs de paix, je me suis rendue compte, depuis que je
travaille avec les enfants, de l’importance de développer, en préalable aux
compétences de la médiation proprement dite, l’attitude de « l’affirmation
pacifique » face au conflit. Habituellement, ils adoptent deux autres
positions : certains répliquent, et à la moquerie succède l’injure qui
ouvre la voie aux coups et à la bagarre qui peut se transporter entre les familles
en favorisant une spirale de violence ; d’autres se taisent, endurent la
provocation, le vol et les coups sans riposter, encourageant ainsi tacitement
les caïds et la loi du plus fort ou du plus malhonnête. Je travaille donc avec
eux une troisième possibilité (ni violence, ni silence mais affirmation
pacifique) : apprendre à exprimer son besoin calmement tout en conservant
le lien avec l’autre. Je vois que j’aurai ce même travail à faire avec les
adultes qui les encadrent. En effet, dans un conflit, les enseignants demandent
aux enfants de se saluer et de se pardonner… ce qui constitue une solution
simple pour la plupart des conflits entre enfants mais qui engendre dans
plusieurs cas de réelles frustrations et injustices qui ne sont pas de nature à
faire grandir la paix.
Le travail amorcé dans les
écoles pour la suppression de la chicotte reste à poursuivre. Dans les deux
écoles dans lesquelles j’ai travaillé avec les ambassadeurs-médiateurs de paix,
je me suis rendue compte que « le serpent noir » (courroie de
voiture) n’avait pas disparu ou qu’il était revenu en cette fin d’année.
L’année scolaire prochaine j’aurai l’occasion d’approfondir ce travail car
j’animerai d’une part une formation de huit jours avec les Directeurs
Diocésains, Inspecteurs et Conseillers pédagogiques et d’autre part deux
formations de trois jours avec les parents des Bureau National et Bureaux
Diocésains des Association de Parents d’élèves. Ces personnes sont des
démultiplicateurs qui auront la tâche ensuite de sensibiliser tous les
enseignants et les parents des écoles catholiques de tout le Tchad. Je veux les
aider à trouver eux-mêmes et à transmettre autour d’eux d’autres moyens que la
violence et les coups, la punition et la contrainte en éducation… l’éducation à
la paix passe par une éducation avec des moyens de paix !
Pour terminer sur une note
plus divertissante, avec Brigitte, une de mes consœurs, nous avons trouvé une
activité de détente qui nous fait beaucoup de bien : la baignade dans le
Chari (fleuve qui arrose N’Djaména et que nous fréquentons en amont de la
ville)… bien mieux que la piscine qui reste cependant fort appréciable !
Je rentre en France le 28 juin
pour deux bon mois de climat tempéré… La sécheresse qui y sévit ne me fait pas
peur après la traversée d’une année en pays sahélien !
Quelques photos du solaire et d'une journée de baignade au bord du Chari...
Actuellement à Laï, dans le Sud du Tchad, je dispose d'une
connexion Internet accessible facilement. J'en profite pour mettre en ligne quelques
photos consultables à partir des liens suivants :
Je suis "facilitatrice" (c'est à dire
animatrice) à l'assemblée nationale des commissions Justice et Paix du Tchad.
Même si je ne trouve pas très "facile" d'animer une session dans
laquelle les personnes ont des habitudes de travail déjà très établies, cela me
donne l'occasion de découvrir les préoccupations et défis que ces commissions
ont à relever : important et immense.
Il fait de nouveau très chaud et en plus ici, dans le sud,
très humide... en écrivant ce message, je suis toute trempée... Je trouve ce
climat vraiment pénible, mais les participants aussi ne cessent aussi de dire
combien il fait chaud : nés dedans, ils ne sont pas pour autant
habitués !
Deuxième année au Tchad : Septembre 2011-Mai
2012
Lundi 26 Septembre
2011 de Moundou
Introduction
Plaidoyer
pour une éducation sans chicotte
Conduire sa classe vers l’autonomie
Créer
un climat de classe paisible et heureux
Instituer
des espaces de parole
Instaurer
les règles de vie de la classe
Prévoir
les conséquences des transgressions
Intervenir
de manière constructive
Responsabiliser
les élèves
Promouvoir
le travail en équipes
Planifier
la mise en œuvre
Mutualiser mes « bons coups »
Chaque chapitre est
composé d’une introduction qui fait le lien entre le thème du chapitre et la
culture de la paix, et l’éducation à la
citoyenneté et à la démocratie. Suivent ensuite des fiches-outils qui proposent
des attitudes et dispositifs concrets qui favorisent une éducation à un vivre
ensemble pacifique et responsable.
Au cours de la session,
j’ai présenté ces outils en les faisant travailler pour que chacun puisse se
les approprier en vue de les transmettre.
Les participants ont eu
aussi à concevoir plusieurs séances pour aider les élèves à découvrir des
moyens pour éviter des conflits violents : écouter, négocier, tirer au
sort, laisser aller, s’excuser, remettre à plus tard, etc.
Les huit jours ont été
très denses. Dans l’esprit du projet
financé par l’organisme allemand Misereor cette formation de formateur était
destinée à les outiller pour les 3 années à venir… Il me semble que la mission
a été remplie. Le huitième jour a été consacré à prévoir et planifier la mise
en œuvre et à examiner un outil de mesure des effets et impacts des actions qui
seront menées demandé par Misereor. En novembre je présenterai d’autres outils
qui iront dans le même sens.
Avant de poursuivre sur
les sessions, un mot de la communauté. Lorsque je suis arrivée à N’Djaména,
j’ai été accueillie par Monique Godde qui y a passé l’été (elle prend ses
vacances depuis plusieurs années aux mois de mars, avril et mai). Ensuite juste
lorsque j’ai achevé la session dont je viens de parler, nous avons accueilli
Teresa, une SFX (abréviation pour dire un membre de la communauté St François
Xavier) qui vient de Corée et qui va passer quelques mois avec nous à
N’Djaména. En dépit du décalage horaire et du décalage culturel, Teresa a
montré un grand enthousiasme dans ses premiers pas au Tchad, guidée par Monique
qui l’accueille au Centre Emmanuel, au service des lycéens et collégiens qui
viennent renforcer leur travail scolaire (et leurs apprentissages du vivre
ensemble). Brigitte Farcot, la quatrième (et responsable) de la communauté que
nous allons former cette année, est arrivée lundi dernier… après avoir
participé à la messe des vœux qui a rassemblé la communauté de France autour du
premier engagement d’Hélène, la dernière arrivée dans la communauté. Je n’ai pas encore vu ni entendu Brigitte car
je suis partie dès le dimanche pour Moundou pour donner une session un peu
semblable à celle que j’ai évoqué plus haut, cette fois-ci à destination des
chefs d’établissement et des coordinateurs de la culture de paix des collèges
et lycées. J’ai suivi grosso modo le même parcours… mais la session a été bien
différente, puisque les personnes étaient différentes et le niveau visé l’était
aussi. J’ai eu la grande joie de pouvoir m’appuyer sur une des participants qui
a suivi avec moi deux ans de formation à l’IFHIM en 2002-2004 : Sr Mary
Ranee, une Sri Lankaise. Elle a été très précieuse pour les temps de travail en
équipe, et aussi pour l’amitié partagée… Depuis que je suis au Tchad, j’anime
seule les sessions et j’ai vraiment aimé de pouvoir collaborer avec quelqu’un
qui travaille dans le même esprit.
Aujourd’hui, je pars pour
Donia, pour une session sur la gestion des finances. Misereor qui finance le
projet à des normes et exigences comptables que les participants au projet
auront à respecter… Comme nous sommes en période de rentrée scolaire, la
plupart des gestionnaires des établissements secondaires ne pourront pas faire
le déplacement et, en collaboration avec le comptable de la DINEC (Direction
Nationale de l’Enseignement Catholique), nous redonnerons la session à une date
ultérieure… Le travail de la paix prend plusieurs visages !
Je rentre donc samedi
prochain à N’Djaména, avec une intervention dimanche auprès des permanents du
CCU (Centre Catholique Universitaire). Ensuite j’aurai une semaine pour
préparer les deux sessions que j’aurai à donner aux parents, en vue de les
« équiper pour être des relais de l’éducation à la paix auprès des pairs
parents. La formation portera sur le développement de l’enfant induisant des
axes d’éducation familiale pacifique et sur la gestion des conflits dans la
famille et dans l’entourage. Un accent sera mis sur les relations entre parents
et enseignants pour assurer une convergence dans leurs actions respectives. »
Avec eux aussi, je partirai de leurs expériences vécues, avant de proposer des
pistes à vivre et à transmettre aux autres. Je reviendrai donner des échos.
Je ne peux pas terminer
ce message sans quelques indications météo…
En arrivant à N’Djaména, j’ai été saisie par la chaleur humide (autour
de 35°C le jour avec des nuits plus fraiches). Le thermomètre descend de
manière sensible dès qu’il pleut et il pleut tous les 3 ou 4 jours (des pluies
torrentielles !). A Moundou, la température est bien supportable (entre
26° la nuit et 30° le jour).
Cliquez ici pour voir quelques photos de mes derniers
voyages à Moundou https://picasaweb.google.com/mo.dolivet/VoyageDeNDjamenaAMoundouEnSeptembreEtOctobre2011?authuser=0&feat=directlink
Dimanche 23 Octobre 2011
J’ai du mal ces derniers temps à donner des nouvelles
régulières : la température est élevée le jour et les activités de
formation et d’accompagnement de personnes et de groupes s’enchainent à un
rythme dense. J’ai traversé un épisode palustre (paludisme ou malaria) sans
gravité qui m’a cependant fatiguée, fatigue dont je commence à sortir…
Du point de vue de la vie quotidienne, nous sommes
actuellement dans une situation inédite. Nous avons surmonté l’absence
d’énergie électrique grâce aux panneaux solaires qui nous permettent aussi de
porter remède aux difficulté occasionnelles d’alimentation en eau par
l’intermédiaire d’un « surpresseur » connecté au circuit solaire, qui
en cas de besoin fait monter l’eau dans les citernes situées sous le toit.
Privilégiées de ces points de vue par rapport à des milliers de Tchadiens, nous
sommes confrontées comme eux à la pénurie de Gaz qui sévit depuis plus d’un
mois. Impossible de trouver à N’Djaména des bouteilles de gaz, nécessaires pour
faire marcher notre cuisinière. Il nous reste une bouteille que nous devons
économiser au maximum. Nous avons des voisins suisses qui font fabriquer et
commercialisent des fours solaires produits localement. La semaine dernière,
j’ai été les visiter et nous avons acheté un de ces fours : une caisse en
bois sur pieds, bien isolée, revêtue à l’intérieur de tôle noires, surmontée par
une double vitre et équipée d’un panneau réflecteur tapissé de papier
aluminium… Ce week end, j’ai expérimenté la cuisson solaire dans ce four. Préchauffé
au soleil et ré-orienté régulièrement pour profiter au maximum de
l’ensoleillement, il m’a permis de cuire du poisson aux légumes, de la viande,
de la soupe, de réchauffer des restes, de faire bouillir de l’eau… et même de
cuire le pain préparé par Théresa, notre sœur coréenne qui, depuis son arrivée
en septembre, nous régale par le pain fait maison (et dorénavant cuit par le
soleil !).
En ce qui concerne mes activités, comme annoncé dans mon
dernier message, j’ai animé deux sessions à destination des parents engagés
dans les Associations de Parents, qui auront la charge de sensibiliser leurs
pairs à « l’éducation sans chicotte »… et surtout à un mode parental
fondé sur la qualité de relation, de respect, de dialogue, sans pour autant
être dénué d’exigences et de règles !
Pour certains, ils s’agissaient d’une découverte :
ayant été éduqués à la chicotte, ils reproduisaient l’éducation qu’ils ont
reçue. Ils repartent avec la décision de regarder chacun de leurs enfants comme
une personne unique, de prendre du temps pour parler avec chacun et de les
responsabiliser.
J’ai été contactée par des élèves du Lycée Félix Eboué, le
plus anciens et le plus grands lycée du Tchad (6000 élèves !) pour les
aider à lancer un « Club des bâtisseurs de paix » au sein du Lycée.
L’initiative est venue d’élèves que j’ai formés l’année dernière au Centre
Emmanuel et qui m’ont sollicitée pour que je les soutienne et forme les membres
de ce club. Samedi avait lieu une première rencontre de sensibilisation à
laquelle assistaient environ 70 élèves qui se montrent intéressés. J’espère
qu’une partie d’entre eux s’engagera. Ce qui me réjouit, c’est la
« mixité » des participants, non seulement filles et garçons, mais
aussi chrétiens et musulmans, nordistes et sudistes. Chaque fois que des
rencontres peuvent avoir lieu des préjugés mutuels tombent. Je l’ai vécu la
semaine dernière avec des parents de N’Djaména et de Mongo. C’est une joie pour
chacun de découvrir que l’autre composante a autant le désir de la paix, aspire
à la rencontre et au développement du pays. Sans doute, cela n’est pas
général : de tous côtés, il y a des exclusions mutuelles et des rancœurs
tenaces… Mais lorsque les gens se rencontrent et se parlent de personne à
personne, les murs tombent et la paix progresse ! Je vérifie dans
l’expérience la pertinence de la démarche de l’IFHIM de défaire des murs et de
construire des ponts, par décision, est un chemin de paix et aussi la décision d’ouverture
de voir chaque personne comme une personne unique, par delà toutes ses
appartenances.
La semaine à venir, je vais me consacrer à la formation d’un
deuxième groupe de chefs d’établissements du secondaire et coordinateurs de
l’éducation à la paix : 6 jours de formation matin et après-midi… par une
température variant entre 30 et 40°C : Mon défi sera de prendre les moyens
de tenir le coup et d’aider les participants aussi à rester en forme !
Mardi 22 novembre 2011
Dans mon dernier message je mentionnais la session encore à
venir de la seconde moitié des chefs d’établissement secondaire du Tchad et des
coordinateurs pour l’éducation à la paix (j’ai formé un premier groupe en
septembre à Moundou). Cette session s’est vraiment bien passée, même s’il est
beaucoup plus confortable d’animer des sessions en dehors de N’Djaména, car dans
la capitale, les sessionnistes sont partagés entre la session et la famille, et
les démarches administratives complexes… De plus le mois dernier a été perturbé
par des grèves des fonctionnaires qui réclament des augmentations (les salaires
n’ont pas évolué depuis de nombreuses années tandis que le coût de la vie ne
cesse de grimper). Après cette session, j’ai disposé de trois jours avant de
repartir dans le Sud du Tchad, à Doba, où se sont déroulées successivement la
réunion bilan des responsables du primaire, une session (que j’animais, je vais
y revenir) sur « la saisie des impacts et effets du projet d’éducation à
la paix » puis la réunion bilan des chefs d’établissements du secondaire.
Les réunions bilans sont des temps de partage des préoccupations et activités
de tous les diocèses. Sont évoqués les problèmes financiers (quasi
inextricables) et la recherche de sources de financement, les difficultés d’affectation
ou de recrutement des enseignants, le niveau des élèves, etc… et le projet
d’éducation à la paix. Les échos pour ce dernier sont très positifs.
Lors de la session que je viens de mentionner, je devais
présenter des outils qui permettent de mesurer les effets et impacts de notre
action en faveur de la paix. Ce n’est pas simple de mesurer des changements de
comportement, puisque c’est cela que le projet vise. Pourtant Misereor, l’organisme
allemand qui finance généreusement le projet, est très attaché à connaître le
retour sur investissement des aides accordées. J’ai proposé et nous avons travaillé
sur plusieurs manières d’appréhender l’atteinte des objectifs (et des
indicateurs) formulés. En rédigeant le document du projet pour Misereor,
j’avais défini trois indicateurs majeurs : augmentation des comportements
pacifiques, diminution des comportements violents et disparition des châtiments
corporels. Le travail de psycho que j’ai effectué il y a quelques années sur la
violence et l’hostilité en milieu scolaire m’ont bien aidée à préparer cette
session.
Depuis mon retour de Doba, j’ai mis au point les documents
qui rendent compte des contenus de session (pour Misereor), les documents issus
de la session de Doba pour qu’elle soit suivie d’effet, et continué à réfléchir
a de nouveaux outils qui pourront être utilisés après mon départ. J’ai déjà
bien avancé sur un livret pour les médiateurs que nous auront formés. Je voudrai
produire un manuel présentant une exploitation pédagogique de contes à teneur
éducative et un autre avec des séances de classe destinées à promouvoir des
compétences relatives à la paix, adaptées à chaque niveau de classe. Je
mettrais cela au point au second trimestre de cette année.
Il y a deux semaines, j’ai été invitée par un des parents
d’élèves présent à la session de N’Djaména à participer à une émission de
télévision « Tchad-Presse ». La personne invitée est questionnée par
l’animateur principal (le parent d’élève) et par deux journalistes, sur un
thème donné… La semaine précédente, c’était le Ministre du commerce et de
l’industrie qui répondait à l’épineuse question du prix du pétrole : une
raffinerie du pétrole Tchadien vient d’être construite par des Chinois et le
prix du carburant reste beaucoup trop élevé aux yeux des consommateurs… Pour ma
part, j’étais invitée sur le thème de l’éducation à la paix, avec une forte insistance
sur la suppression de la chicotte : « une éducation sans chicotte,
est-ce possible ? ». Je ne sais pas si cette émission a eu une grande
audience (compte tenu du faible taux de quartier desservi par l’électricité
j’en doute) : toutefois, le lendemain, notre voisin est venu me féliciter
et me parler de ses enfants ! Et plusieurs autres personnes m’ont parlé de
l’émission de manière très positive. Un professeur d’un Institut privé m’a
demandé quand je donnais la prochaine formation !
Dans mes activités de ces derniers jours figurent
l’alphabétisation de notre gardien, André. Il a été en classe jusqu’en…
CP ! Il connait le nom des lettres et sait les écrire. Je cherche avec les
outils (pauvres) dont je dispose à lui apprendre à lire en associant le déchiffrage
et l’appréhension globale de certains mots… Je compose des phrases à sa portée,
en m’appuyant sur ses centres d’intérêt (sa famille, son travail, son village,
le vélo qu’il vient d’acquérir), pour qu’il ait la satisfaction de lire. C’est
une joie pour moi (et pour lui) de le voir progresser… lentement, mais
sûrement !
Jeudi je pars à Bitkine pour co-animer deux sessions avec
les responsables éducatifs du collège et d’autres établissements de la ville
qu’ils ont invités, pour les enseignants d’une part et les ambassadeurs de paix
d’autre part. Je vais rester une grosse semaine, je reviendrai trois jours à
N’Djaména, avec le 3 décembre, la fête de St François Xavier : nous
prendrons un temps convivial avec la communauté des Xavières, nos
« cousines ». Je repartirai alors pour le Sud (Kélo-Djoumane-Kélo)
pour co-animer là aussi des formations pour les enseignants et ambassadeurs de
paix de plusieurs écoles et collège. Le principe de ces formations c’est de
co-animer avec des personnes que j’ai déjà formé pour leur permettre de
s’approprier les outils donnés en situation de formation.
Ce week end, nous sommes parties avec Théresa (c’était sa
première sortie hors de N’Djaména) et Brigitte en direction du Lac Tchad, que
nous n’avons pas vu : ce sera pour une prochaine fois. Deux jours de
détente et de farniente (autour d’une piscine) dans un pays qui offre peu de
ressources dans ce domaine. Le dimanche matin, nous avons eu une célébration très
émouvante, animée par un animateur pastoral venu de N’Djaména pour la communauté
locale dans une petite chapelle dénuée de tout… une vraie fête du Christ Roi de
l’Univers, venu dans l’humilité et la proximité discrète rejoindre notre
humanité loin des signes du règne des
rois de ce monde !
Du point de vue du climat, la sécheresse est maintenant bien
établie (plus une goutte de pluie depuis presque deux mois) ; la fraicheur
arrive… si les journées s’élèvent encore à 35 ou 37°, les nuits sont agréables
avec un début vers 28° et une fin, au petit matin autour de 22°… Je mets un
drap sur moi, voire deux, alors que depuis mon retour, je n’utilisais que celui
du dessous !
Du côté des photos, j’ai mis en ligne quelques photos de mon
voyage à Doba (cliquer ici) et quelques autres du week end à Douguia (cliquer
ici) !
Dimanche 1°
Janvier 2012 : Bonne année!
En ce premier jour de l’année, je viens souhaiter à tous et toutes et
chacun ou chacune une année de paix et de relations interhumaines heureuses…
LAPIA, SALAM, NLEWA, MELOM, DJAM, KOUKI, WOSIE, KALA… tels sont les mots qui
disent la paix en différentes langues parlées au Tchad et qui me servent pour
formuler mes vœux… En guise de carte de vœux, je vous invite à cliquer sur ce lien pour
découvrir des visages qui vous en diront plus que moi sur la beauté et la
diversité de l’humanité qui a soif de paix et d’amour !
Le temps qui vient de s'écouler a été marqué par la visite de la
responsable de la Communauté, Marie-José. Un moment de rassemblement et
d'échanges fraternels qui relie la petite communauté St François Xavier qui est
à N'Djaména à l'ensemble de la Communauté. Temps de vacances aussi, et pour
moi, temps plus stable à N'Djaména, alors que j'en ai été absente presque tout
le mois de décembre.
Je suis heureuse de semer largement, le plus largement possible, sans
pour autant m’imaginer que tous les grains vont porter du fruit, en partageant
de l’intérieur quelque chose des sentiments du Semeur de la parabole qui jette
ses graines sans compter… Je méditais l’autre jour sur le projet de Dieu,
projet d’amour et de paix, et je crois que, toutes proportions gardées, tous
nos projets humains qui vont dans le sens de son projet d’amour et de paix nous
font vivre la gratuité de son engagement, et des joies et des tristesses sans
doute proches des siennes devant l’accueil et la transformation qui s’ensuit ou
les résistances et ambigüités qui subsistent. Dans la première catégorie, je
peux nommer l’accueil fait à la démarche de la paix dans toutes les formations
que j’ai données tout au long de ce trimestre. Par exemple avec les adultes, je
les aide à s’engager dans le travail au service de la paix en leur faisant
chercher le moment, la situation ou l’expérience par laquelle ils ont pris
conscience de l’importance de la paix pour eux. Ici, au Tchad, ce sont le plus
souvent des situations liées à la guerre dont je réalise l’étendue, la durée et
les atrocités, parfois des événements familiaux de brutalité ou des
déchirements dans le voisinage, plus rarement la prise de conscience de la
violence qui est en soi… Faire mémoire de ces événements à tonalité douloureuse
constitue un aiguillon fort pour travailler à la paix. Cependant, je ne les
laisse pas séjourner dans le souvenir pénible assorti du sentiment
d’impuissance qui porte souvent la marque d’un traumatisme mais les achemine
immédiatement après vers la prise de conscience heureuse et stimulante qu’ils
sont déjà artisans de paix : je les invite à se partager mutuellement une
expérience où ils ont fait grandir la paix, en les orientant de préférence dans
leur famille ou dans la vie de leur quartier, sans regarder d’abord leur rôle
dans l’école. Ces deux premières étapes de chaque formation enracinent la
décision de chacun de bâtir la paix. Le projet de l’enseignement Catholique
relatif à la paix devient leur projet. Lors de chaque formation, d’un
jour à l’autre, j’envoie les participants en mission de paix : occasion
d’un engagement démontré dans des expériences toutes simples mais réellement
vécues de gestes de paix, de ponts construits : merveilleuses
réconciliations, services rendus, nouvelles attitudes expérimentées. Au retour,
les personnes partagent ce quelles ont fait et vécu et je leur fais nommer la
joie et la légèreté intérieure qu’elles vivent alors…
Du côté des ambiguïtés qui me gênent, je peux nommer, lors de certaines
sessions, le versement de ce qu’on appelle ici les « per diem »,
cette somme d’argent versée au terme de la session qui vient défaire une partie
du travail que j’ai effectué. En effet, comme je viens de l’exposer, je
travaille avec chaque groupe l’objectif et le sens de la paix… et
l’intéressement financier vient dévier au moins partiellement la gratuité de
l’engagement demandé. Dans certaines sessions comme à Bitkine où j’étais fin
novembre, non seulement les sessionistes (Equipe du collège Joséphine Bakhita
au complet, Inspecteurs de l’éducation Nationale, proviseur du Lycée et
Directeur du CEG publics, animateurs des églises catholiques et protestantes de
Bitkine). n’étaient pas payés pour assister à la session, mais chacun a
contribué à financer les repas que nous prenions en commun. Il est donc
possible de motiver les gens pour la paix sans leur verser d’argent ! Mais
il est difficile de faire changer des mentalités qui ont lié dans beaucoup d’endroits
du Tchad le fait d’être payé pour suivre une formation… Heureusement, cette
ambigüité ne se trouve pas au niveau des élèves formés pour être
« ambassadeurs de paix »… A partir d’une parabole d’origine
amérindienne adaptée (le loup est transformé en lion), nous les amenons à
décider de nourrir le « lion pacifique » qui est en chacun au
détriment du « lion violent » qui perd alors de sa force… Ils
accueillent ensuite tout l’itinéraire de formation interactive avec joie et
engagement. Et les témoignages des personnes qui les côtoient pendant et après
la formation (parents, enseignants) manifestent que pour la plupart d’entre
eux, la transformation est durable.
Pour ne pas alourdir ce message, je ne décris pas les différents
éléments de la mise en place du projet qui touche l’ensemble des écoles
catholiques du Tchad. Je viens de rédiger une sorte de synthèse que vous pouvez
consulter dans le message situé juste en dessous de celui-ci : vous verrez
qu’il s’agit d’un véritable plan d’action en profondeur, incluant une
concertation stratégique de tous les acteurs (selon la belle expression
employée à l’IFHIM).
Justement,
je tiens à souligner une fois encore, par souci éthique, combien je puise dans
ma formation à l’IFHIM (Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal) et
dans les démarches proposées par cet Institut au service de « l’humanisation de l’humanité ». Actuellement,
prenant appui sur le modèle du protocole de Kyoto, la Directrice de l’IFHIM
invite « à sensibiliser à l’urgence d’un (…)
protocole d’amour de la personne humaine, un protocole qui invite à la
construction des ponts entre les personnes, un protocole qui appelle à la
concertation pour que l’amour sans exclusion ait une place de choix sur la
terre. » (Vœux de Noël 2011 de Marie-Marcelle Desmarais). Je
ne peux que souscrire à ce besoin de rassembler le plus de personnes possibles
autour de cet engagement si essentiel pour la survie de la planète et de
l’humanité. C'est aussi l'appel de Benoit XVI qui invite à éduquer à la justice
et à la paix. Qui que nous soyons, rassemblons-nous autour de cette valeur de
la paix qui n'a pas de frontière, de religion, de race...
Dimanche 4 mars
2012
Je suis actuellement à Mongo, dans l’Est du Tchad, entre
deux sessions, l’une qui commence demain à Dadouar pour les ambassadeurs de
paix de deux écoles et l’autre qui s’est achevée hier à Am Timan, pour les enseignants
d’une école catholique avec aussi des enseignants de 15 écoles publiques de la
ville. Cette session dite de « niveau 1 » visait à aider les
enseignants à choisir de devenir consciemment des personnes de paix, en
s’adressant à eux d’abord comme des époux/ses, des parents, habitants d’un
quartier, citoyens et non seulement comme des enseignants. Je propose un
itinéraire que je co-anime avec l’inspecteur diocésain du Diocèse et le
conseiller, et aussi depuis début février avec le formateur qui devrait me
remplacer après mon départ du Tchad. Mon objectif avec eux c’est, après leur
avoir fait vivre la démarche pour eux-mêmes, de les accompagner dans la
transmission aux enseignants. Ce n’est pas toujours simple, car la formation,
ici comme souvent ailleurs, consiste surtout en des discours. Aussi, je
m’efforce de les orienter vers la relecture des activités et situations que
nous faisons vivre aux participants pour qu’ils fassent des prises de
conscience et aillent d’abord chercher eux-mêmes dans leur expérience des
chemins de paix. J’ai déjà décrit précédemment un peu l’itinéraire des débuts
de session : nommer la situation ou un événement qui m’a fait prendre
conscience de l’importance de la paix pour moi ; partager aussitôt après une
expérience dans laquelle j’ai permis à la paix de grandir, dans laquelle j’ai
été bâtisseur de paix. Ensuite à partir d’une parabole des deux lions (adaptée
d’un conte amérindien des deux loups), chacun est invité à décider de « nourrir »
la partie de lui qui veut la paix : tous, nous avons en nous-mêmes deux
parties qui s’opposent, une partie pacifique et une partie violente. Selon les
gestes et les actions que nous posons, nous renforçons l’une ou l’autre de ces
parties. Pour rendre cela concret et consolider la décision de choisir la
partie pacifique de soi, nous établissons avec les participants une liste des
verbes d’action qui représentent la nourriture de chacun des deux lions
(pacifique ou violent). Ensuite nous parlons de la colère qui paralyse la partie
pacifique de nous-mêmes. Je fais nommer les conséquences de la colère sur les
relations. Les gens reconnaissent que lorsque des situations nous contrarient, nous
nous tendons, notre ouverture se resserre et notre vision des autres se déforme
et si nous ne la gérons pas, la colère nous amène à faire ou dire des choses
que nous regrettons ensuite. Ensuite, chacun, repensant à la dernière fois où
il s’est mis en colère, partage les signes physiques qu’il a ressentis alors. Nous
expérimentons des moyens physiques pour déloger ces signes physiques et refaire
de l’espace en soi. Ensuite nous travaillons l’ouverture (un autre nom de
l’amour) en regardant quelques visages de l’ouverture en lien avec la
paix : traiter chaque personne comme une personne et non comme un objet ou
une chose, voir chaque personne comme une personne unique et se comporter
envers les autres comme nous aimons que les autres se comportent vis-à-vis de
nous… C’est l’occasion de porter un regard sur la vie quotidienne. Le premier
point donne lieu à des prises de conscience sur les manières de mépriser ou de
minimiser les autres, particulièrement les femmes, ce qui est assez répandu
dans certains milieux du Tchad. J’aborde dans ce cadre la question de la femme
comme objet sexuel à partir de l’histoire de Jean, ce québécois qui a pris
conscience lors d’une formation à l’IFHIM qu’il aimait sa femme, mais que dans
le domaine de la sexualité, il la traitait comme un objet. Son itinéraire de
changement aide les tchadiens à envisager des moyens pour aborder ces moments
d’intimité dans l’ouverture mutuelle. Je complète aussi leurs apports par une
observation faite dans le Sud. En décembre, j’ai passé une semaine pour une
formation de deux écoles dans un village. Nous étions nourris par les femmes
des enseignants. Traditionnellement, les femmes ou les jeunes filles viennent
apporter de l’eau avec une cuvette, une sakane (bouilloire en plastique) et du
savon pour permettre de laver les mains en début du repas, puisque nous
mangeons tous avec les mains, dans le même plat. Les convives présentent leurs
mains et les femmes ou jeunes filles laissent couler l’eau, présentent le savon
et permettent ensuite le rinçage. Ce très beau geste de service m’évoque à
chaque fois le lavement des pieds de l’évangile… Pour ma part, je remercie à
chaque fois la fillette ou la femme qui me l’a rendu et reçois en retour un
beau sourire qui réchauffe le cœur. J’ai fait prendre conscience aux
participants que bien souvent, ils n’accordaient pas même un regard à ces
personnes qui les servaient. Il ne viendrait à personne de remercier un robinet
ou une pompe qui donne de l’eau…. Ils rient lorsque je dis que les femmes ne
sont pas des robinets ! Mais j’observe ensuite des changements. Et
certains lors des retours des missions de paix qu’ils accomplissent le soir des
formations témoignent de gestes qu’ils ont accomplis envers leur femmes (Il
faut dire que le public des enseignants est essentiellement masculin : je
suis souvent la seule femme de l’assemblée !!!). Un homme, lors d’une
session précédente, a été applaudi chaleureusement car le soir, il avait invité
sa femme à rester couchée plus longtemps le lendemain matin, car il allait se
charger de faire chauffer l’eau pour la « douche » des enfants et le
« café » (en fait il n’y a ni douche ni café, mais des seaux d’eau et
du thé fortement sucré…). Sa femme le matin lui a dit qu’il était un mari
« exceptionnel »… ce qui est d’autant plus marquant que cet homme est
non seulement musulman mais marabout. Bien d’autres témoignent de paroles de
reconnaissance ou de beaux gestes à l’endroit de leurs épouses toutes surprises
et heureuses !
La démarche qui est celle des murs qui menacent la paix. Les
participants sont invités à nommer les préjugés de leur milieu et ensemble nous
cassons ces préjugés en nommant des personnes du groupe concerné qui ne
répondent pas aux qualificatifs attribués à leur groupe, et en défaisant la
globalisation pour aider chacun à regarder chaque personne dans son unicité…
Les missions de paix vont aussi dans ce sens de détruire des murs (défaire des
préjugés) pour construire des ponts : aller par décision, parce que je
veux la paix, à la rencontre d’une autre personne vers qui je n’irai pas
spontanément. En fait, c’est surtout des réconciliations ou des pardons que les
gens font alors. A Koumra où j’étais il y a 10 jours, la petite ville a été
marquée par ces démarches liées à notre session. Le curé en a eu des
échos !
Dans la suite de la session niveau 1 avec les enseignants
(l’itinéraire est le même pour les élèves ambassadeurs de paix, avec une
adaptation pour leur âge), nous travaillons le phénomène de la rumeur et
l’importance de revenir à la source des informations, avec le jeu du bouche à
oreilles : une information toute simple colportée successivement par
plusieurs personnes est inévitablement déformée et même totalement transformée,
ce qui en période de trouble peut engendrer des drames…
Nous travaillons aussi les points de vue à partir d’images,
de la parabole des aveugles et de l’éléphant, et de l’expérience des personnes.
Chacun peut avoir son point de vue : l’essentiel est de s’accueillir
mutuellement pour s’enrichir du point de vue de l’autre pour élargir sa vision
propre. Ensuite nous donnons des moyens de résoudre un conflit sans violence et
enfin je propose des repères et des exercices concrets pour s’affirmer
pacifiquement dans une situation frustrante : après s’être calmé, nommer
le fait qui me dérange, dire ce que cela me fait vivre, ce que je ressens, et
enfin, énoncer ce dont j’ai besoin pour me sentir à l’aise.
Au terme de ces sessions qui durent seulement deux ou trois
jours, les gens sortent heureux d’avoir acquis des outils pour vivre en paix.
Les témoignages qui suivent montrent qu’il y a des changements durables pour
beaucoup…
Ces sessions sont pour moi l’occasion de découvrir en profondeur
le Tchad, puisque le plus souvent je partage le vie des inspecteurs et
conseillers qui co-animent avec moi : logement dans les écoles ou les
paroisses de brousse, souvent sans électricité, sans eau courante, avec la
nourriture locale… et des milliers de kilomètres sur des routes goudronnées
dont certains sont très abimées ou sur des pistes plus ou moins entretenues.
Parfois je loge aussi dans des communautés religieuses ou les évêchés, occasion
de rencontrer des femmes et des hommes engagés de différents manières au
service de ce pays.
Les sessions niveau 2 que j’ai déjà données plusieurs fois
sont aussi très riches. Elles sont plus pédagogiques, orientées vers
l’acquisition d’outils pour conduire la classe sans chicotte. Je prépare un
livret sur l’exploitation pédagogique de contes éducatifs autour des
compétences de paix. J’en ai déjà expérimenté avec l’aide de quelques
enseignants de N’Djaména. Ce livret constituera la base de la formation de
niveau 3 pour que les enseignants forment à la paix dans le cadre même des
cours.
Toute l’expérience que j’ai accumulée lors de l’animation de
ces sessions au cours desquelles j’apprends beaucoup, puisqu’elles sont fondées
sur l’expérience des participant m’a aidée à mûrir et nourrir le parcours de la
retraite diocésaine de carême pour N’Djaména. L’archevêque m’a demandé ma
contribution sur le thème de la purification de la mémoire, thème qui s’inscrit
dans la ligne de la paix et de la réconciliation entre Tchadiens, en commençant
par les chrétiens catholiques. J’ai eu à retravailler une première version du
texte et à présenter la version finale de cette retraite aux prêtres du diocèse
de N’Djaména et aux laïcs qui participeront à son animation. La démarche est
articulée en trois temps : la mémoire collective et la purification des
préjugés hérités de l’histoire ; la mémoire individuelle avec la
purification de toute forme de ressentiment liée à des blessures du passé ;
et la purification de la mémoire enracinée dans la reconnaissance de la
responsabilité et des fautes personnelles et collectives nécessaires pour
sortir de la posture de victime et devenir créateur d’un présent et d’un
a-venir nouveaux. Il me semble que cette démarche pourrait faire avancer la
paix entre les chrétiens catholiques entre eux, mais aussi avec les autres
communautés. Je m’efforce de vivre personnellement cette démarche, source de
liberté et garantie de relations apaisées et suis prête à envoyer le texte à
ceux et celles qui m’en feront la demande.
Lundi 9 avril
2012 Bonne fête de Pâques !
Dans certains pays, Pâques est marqué par la sortie de
l’hiver et l’avènement du Printemps, la vie renait, l’espérance est visible
dans la nature… Mais ici, cet événement de la vie plus forte n’est vraiment pas
célébrée par la nature… et me voici une fois encore en train de parler du
climat… tellement il est difficile de s’abstraire des 45°C que marque le
thermomètre situé à l’ombre de mon balcon, de la poussière que le moindre
souffle d’air soulève en raison de l’absence totale de pluies depuis le mois d’octobre
(ce qui est habituel… et non le signe d’une anormale sécheresse)… Inimaginable
tant qu’on ne le vis pas !!!
Je ne vais cependant pas consacrer tout ce message aux
considérations climatologiques. Je ne vais pas non plus parler aujourd'hui de
mon action au service de la paix que j’ai évoqué pratiquement dans chacun des
messages. Je voudrai donner quelques flashs de rencontres variées faites ces
derniers mois au fil des mes voyages dans le pays. Des signes de la
résurrection que nous célébrions ces jours-ci, à l’œuvre dans notre monde…
J’ai particulièrement aimé mon séjour à Dadouar (à l’Est de
N’Djaména, dans le Diocèse de Mongo). Je logeais chez les sœurs Missionnaires
du Christ Jésus, une communauté composée d’une Chilienne, d’une Vénézuélienne
et d’une Espagnole. Ces sœurs qui sont nouvellement implantées, depuis le 3
décembre à Dadouar m’ont accueillie fraternellement et j’ai pu profiter des
bons contacts qu’elles ont avec la population de ce village. Après la
formation, en fin d’après-midi, je me suis promenée et ai pu avoir des échanges
avec des habitants. Je garde mémoire de deux petites filles qui allaient puiser
de l’eau et qui m’ont partagé quelque chose de leur vie au village. Je les ai
aidées modestement en portant l’outre qui sert à puiser, sans me risquer à
prendre les canaris que j’aurai eu peur de renverser. En ce qui quittant la
plus jeune des deux filles m’a remerciée… avec un beau sourire que je conserve
comme un beau cadeau. Un autre jour, c’est David, Madeleine, un élève de CM2
qui m’a amené chez lui après quelques échanges très simples sur sa vie. Sa
maman a préparé le thé pour moi, et j’ai longuement bavardé avec sa sœur,
malade depuis 8 mois, sans bien savoir de quoi. Entre temps elle a donné
naissance à une petite fille qui a du coup la chance d’avoir sa mère pour elle
toute seule… La qualité de relation entre la mère et sa petite fille était
belle à voir. A Dadouar, depuis on ne sait quand, a lieu le transfert d’une
maison de chrétien à l’autre d’une « croix pèlerine ». Occasion pour
les chrétiens du village de se retrouver et de prier ensemble pour les
habitants de la concession qui accueille la Croix pour 24h. De grands jeunes
animaient la prière. J’ai aimé cette dévotion sous les étoiles.
J’ai eu l’occasion d’entrer dans la cour familiale de
Service qui m’a accueilli chez lui à plusieurs reprises au retour de nos
voyages dans le Sud. Service est le formateur qui vient d’intégrer la DINEC
(Direction Nationale de l’Enseignement Catholique) et qui poursuivra la tâche
que je vais laisser. C’était la première fois que je pénétrais au cœur d’une
concession pour y demeurer. J’ai souvent été invitée chez les uns ou les autres
pour des repas, mais dans ces cas, nous restons à l’extérieur de la maison, ou
dans la cour. D’ailleurs, chez Service, comme ailleurs, la femme et les enfants
ne mangent pas avec les invités…
Je voudrai rendre témoignage à l’hospitalité des communautés
missionnaires chez qui j’ai trouvé une fraternité bienfaisante. Je pense en
particulier aux sœurs Mexicaines de Kélo. En allant à Goré, mon dernier voyage
en date, nous avons connu un problème de rupture de courroie du ventilateur du
moteur. Trois heures de réparation qui nous ont évidemment retardés. Arrivant à
Kélo pour déposer du courrier, les sœurs que j’avais déjà rencontrées et
appréciées lors de voyages antérieurs nous ont invités à déjeuner, nous faisant
manger ce qu’elles avaient préparé pour leur diner… Halte bienfaisante avec la
reprise de la route.
Dans le cadre des déplacements parfois en lien avec les
formations et parfois indépendamment, j’ai pu mesurer les événements
traumatiques vécus par les Tchadiens au cours des quarante dernières années.
Occasion pour moi de mettre en œuvre sous forme d’intervention ponctuelle la
démarche de restauration des forces dans les expériences traumatiques acquises
à l’IFHIM et expérimentée en Haïti. Un homme, un cadre, habitant N’Djaména
avait mis de côté de l’argent en vue d’acheter un terrain afin de construire
une maison pour ces enfants. Malheureusement, Il a découvert trop tard qu’il
avait été floué autant par le vendeur et les services du cadastre : il
avait tout perdu. Depuis deux ans, il ne dormait plus, faisait des cauchemars
et déprimait Je l’ai interrogé sur ses moyens de détente : il m’a dit
qu’avant il courrait parfois et que cela lui faisait du bien, mais que depuis
l’événement de son terrain, il avait arrêté. Je l’ai questionné sur l’objectif
qu’il poursuivait en achetant le terrain. Il m’a répondu sans hésiter, le
bonheur de ses enfants. - Et maintenant, en revenant sans cesse sur la
tristesse de s’être fait voler, faisait-il le bonheur de ses enfants ? -
Non, au contraire, sa femme et ses enfants s’inquiètent beaucoup de son état et
l’invitent à tourner la page. Pour terminer je lui ai demandé si reprendre la
course pouvait l’aider, il m’a dit qu’il allait le faire… Il m’a quitté avec
une autre lumière dans les yeux et un bon sourire.
Une des personnes, un homme ouvert, avec qui je travaille
dans le cadre de la formation à la paix, me partageai l’expérience suivante qui
remonte à 1979 alors qu’il était enfant,
mais dont il restait encore fortement marqué aujourd’hui. Il habitait au
Quartier Dogou à Sarh. C’était le moment où le pays se déchirait entre Nord et
Sud, Musulmans et Chrétiens. Il a vu un musulman voulait partir vers le fleuve
avec son carquois. Un voisin forgeron lui a dit « tu ne passes
pas ! » Et il lui a envoyé une flèche dans la cuisse. Le musulman a
continué à marcher tout en tournant pour enlever la flèche. A la même période,
un autre musulman qui fuyait avec son enfant a demandé de l’eau à son père. Les
gens du village voulaient le tuer. Mon père les a laissé entrer et nous leur
avons donné de l’eau. L’enfant a bu. Dès qu’ils sont sortis, les gens les ont
tués. Il restait évidemment marqué par ses images. Je l’ai aidé à se centrer
sur l’acte de son père, acte dont il était fier et avec lequel il était
lui-même en total accord… et à différencier ce qui dépendait de son père et de
lui-même qui ont donné à boire et de ce qui dépendait des autres… La aussi, cet
homme a changé de visage en se détournant des images de mort et en choisissant
de conserver que ce musulman et cet enfant ont reçu avec l’eau l’amour concret
de son père et de lui-même… Les deux pères et leurs deux enfants sont frères
pour l’éternité. Voilà la véritable histoire du monde, celle des gestes d’amour
qui seuls demeurent pour toujours : une autre façon de parler de la
résurrection en marche.
Mercredi 2
mai : derniers jours au Tchad
Comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, mon séjour et ma
mission au Tchad étaient prévus pour une durée limitée. Et le temps se fait
maintenant court : je commence à compter les jours… En effet, je quitte le
Tchad le 15 mai et arrive en France le 16. Tout en disant peu à peu au revoir
aux personnes que je vais quitter et avant de faire mes valises, j’essaie de
terminer les travaux en cours : transmission à mon
« successeur » pour le projet d’éducation à la paix, achèvement du
recueil de contes et du livre du maître qui propose leur exploitation
pédagogique dans le la paix.
J’ai été heureuse de travailler pour la paix dans ce pays
qui a traversé tant d’épreuves. Je suis heureuse aussi de le quitter. Pas
seulement parce que la température y est difficilement supportable quand on
n’est pas né dedans, et même alors, particulièrement pendant la période qui va
d’avril à juin… Je vais échapper à 1 mois et demi de chaleur torride ! Je
suis heureuse surtout de remettre la suite de l’éducation à la paix aux
Tchadiens. J’ai formé beaucoup de monde : en faisant le compte cela fait
un total de 109 Formateurs et encadreurs (qui doivent eux-mêmes former 1200
enseignants et 1400 ambassadeurs), 449 enseignants et 578 élèves Ambassadeurs
de paix, avec une démultiplication conçue pour toucher les 42000 élèves des établissements
catholiques du pays. J’ai conçu et édité plusieurs outils : 4 livrets de
formation des ambassadeurs de paix et des ambassadeurs médiateurs de paix, un
fascicule intitulé « des outils pour conduire la classe dans la
paix », un fascicule de présentation de 3 modules de formation d’enseignants
du primaire et du secondaire à la paix, et les deux derniers ouvrages que j’ai
évoqué plus haut. Certains de ces outils se trouvent sur les bureaux des
Ministres de l’Éducation Nationale primaire et secondaire. Maintenant, il
appartient aux Tchadiens eux-mêmes de prendre la relève avec leur façon de
faire à eux… et avec l’engagement qui sera le leur. J’ai rencontré et formé des
hommes et des femmes de paix, des personnes qui la veulent et y travaillent…
Mais j’ai déjà évoqué et déploré que l’intérêt de beaucoup pour ce projet de
paix semble fortement relié aux gains financiers qu’ils en retirent (les per diem, cette somme versée lors des
formations).
Dans quelques jours, je quitterai ce pays, partagée entre
l’optimisme et l’inquiétude. En parcourant ces jours-ci les rues de N’Djaména je
me rappelais les images du début de mon séjour il y a 20 mois : la
différence et le progrès sont frappants (plus encore, si je compare à celles de
mon passage en décembre 2001). Le nombre de rues goudronnées a fortement
augmenté ; la Place de l’Indépendance avec son arche et ses statues et plusieurs
ronds points ont belle figure (des images figurent sur ce blog) ; des
bâtiments administratifs somptueux rénovés, neufs ou construction, des villas
luxueuses, les stations à essence et les mini grandes surfaces modernes et
climatisées se sont multipliées… Tout cela semble montrer que l’argent du
pétrole contribue au développement du pays. Cependant ce développement est
limité au centre ville et à certains quartiers aisés de N’Djaména… et aux seules
infrastructures. Le président Idriss Déby Itno veut faire de N’Djaména la
vitrine de l’Afrique, et il s’agit vraiment d’une vitrine. L’arrière boutique
n’est pas à la hauteur ! Je suis soucieuse (et pas seulement moi !)
du niveau scolaire des élèves et étudiants et, ce qui est plus grave encore, de
celui des enseignants. Le système scolaire est gravement malade. Il est rare de
trouver des maîtres ou maîtresses du primaire engagés et compétents. J’ai
travaillé pour installer une culture de la paix dans les écoles. Je me suis
parfois dit et ai dit à ceux que je formais qu’il y avait urgence à instaurer
aussi (et peut-être d’abord) une culture du travail et du travail bien fait,
honnêtement, de manière désintéressée (c'est-à-dire gratuite)… Les affaires de
détournement de fonds ou de corruption sont nombreuses et ont augmentées
semblent-il depuis que l’argent du pétrole a apporté de la richesse au pays :
presque tout le monde est affecté et il est difficile d’y échapper. Sans parler
des grosses affaires de plusieurs milliards, la vie ordinaire en est émaillée. Les
dossiers administratifs restent bloqués sous des piles d’autres dossiers tant
qu’un « geste » n’a pas été fait en direction du fonctionnaire… Le
policier qui vous arrête vous laisse partir si vous vous
« arrangez », en lui versant 5 000F CFA, là où l’amende
officielle est de 30 000F. Heureusement, je n’ai pas été personnellement
confrontée au problème, car ma mobylette n’attire pas la convoitise !
En bref, je quitte le pays, heureuse d’y avoir travaillé,
d’avoir semé largement des graines pour la paix, d’avoir rencontré des gens
agréables, accueillants et sympathiques… Mais je quitte le pays certaine aussi
que l’avenir du Tchad (comme, toute proportion gardée, la fécondité de mon
action) est entre les mains des Tchadiens et qu’il leur appartient de faire
croître les graines de la paix ou à les laisser étouffer et périr…
Évidemment, tant du point de vue climatique que
métaphorique, je souhaite que des fleurs, des arbres et des arbustes nombreux
revêtent cette terre et fassent reculer le désert qui a tant avancé ces
dernières années…