Remarque: classement des messages

Les messages qui figurent sur la page d'accueil sont classés dans l'ordre inverse de la chronologie, c'est-à-dire les plus récents en haut de la page et les plus anciens en dessous. Leur ordre est chronologique dans les deux onglets concernant la mission en Haïti et ma première année au Tchad. Dans ces deux parties, il est possible de lire les textes à l'écran mais aussi de les télécharger en format PDF...

Nouvelles "fraîches"

Je porte le projet depuis le début de mon séjour ici d'écrire régulièrement pour partager quelques nouvelles. J’ai eu un peu de mal à réaliser ce projet, d’une part parce que le temps est bien bien bien rempli (du lundi au samedi inclus de 9h à parfois 22h, sans compter les travaux à remettre) et d’autre part parce que ce que je vis relève d’un chemin intérieur, difficile à traduire dans une lettre générale : j’approfondis ma formation à l’IFHIM à l’accompagnement humain (incluant le spirituel) des personnes. Cette formation qui n’est pas théorique suppose la poursuite d’un travail sur moi qui me demande de me rendre proche de moi, attentive à ce que je vis intérieurement et à ce que je fais vivre à mon entourage… L’orientation de cette 3° année que je suis est l’intervention en vue de la croissance à partir de et dans le but de faire émerger davantage ce qui est construit et réussit, et de dénouer les blocages et les paralysies. Cet objectif se réalise par un engagement diversifié d’accompagnement de personnes et de groupes, à la fois passionnant et gourmand en temps et en énergies. J’accompagne régulièrement 7 personnes de 11 à 54 ans (avec une moyenne d’âge autour de 30 ans), qui vivent des situations bien diverses. Tout cela donne lieu à une supervision qualifiée qui permet d’avancer à partir de l’expérience vécue et d’élargir et raffiner ma manière d’intervenir.

Comme vous sans doute, j’ai été touchée et bouleversée par l’ampleur du tremblement de terre qui a frappé Haïti et par ses conséquences, par la souffrance vécue, par le désarroi mais aussi par la foi de ce peuple si rudement frappé ces dernières années. J’ai vécu ce drame d’une manière toute particulière car je réside, vous le savez sans doute, dans un presbytère où nous formons une communauté internationale composée de religieuses : quatre congolaises, une vietnamienne et deux haïtiennes. De plus, parmi les étudiants de l’Institut qui proviennent de 28 pays, sont présent(e)s huit haïtien(ne)s. Avec ces frères et sœurs Haïtiens, avec tous les autres étudiants, mardi 12 janvier au soir, j’ai appris la nouvelle du tremblement de terre et découvert son ampleur, je me suis faite proche pour être avec, manifester ma présence et soutenir. Dans les jours qui ont suivi, j’ai vécu avec eux l’attente terrible pour savoir si leurs familles, leurs amis étaient en vie. A l’Institut, nous nous sommes rassemblés pour vivre un moment très fort. Une des spécialités de l’Institut est l’aide aux personnes traumatisées. La Directrice de l’Institut, Marie-Marcelle Desmarais, est non seulement une experte, mais l’ « inventeuse » d’un chemin qui permet aux personnes ayant vécu une situation traumatique de se redresser et de retrouver vie. J’ai vu les deux haïtiennes avec qui je vis, sortir de l’enfermement dans lequel la tristesse et l’angoisse les tenaient : je les ai vues reprendre souffle et prendre de l’assurance lorsqu’elles ont vu tout ce qu’elles mettaient d’elles, tout l’amour qui les habitait, toutes les décisions qu’elles avaient prises dans la situation présente…
L’année dernière (août-septembre 2008), Haïti avait été secoué, par 4 ouragans successifs. L’IFHIM avait envoyé des équipes d’étudiants de troisième année pour aider les personnes traumatisées à sortir du nœud traumatique et revivre. Un projet semblable est envisagé à nouveau pour cette année. Actuellement, l’aide internationale est encore centrée sur l’urgence immédiate : les besoins prioritaires de nourriture, d’eau, de soins. Mais dès maintenant, le travail de reconstruction du pays est envisagé. La reconstruction des infrastructures est indispensable. La reconstruction des personnes l’est tout autant, voire davantage car elle conditionne le reste. C’est une spécialité de l’IFHIM : la forme spécifique d’aide humanitaire que l’IFHIM peut apporter à un pays blessé est la restauration du dynamisme de vie et d’amour permettant l’engagement des personnes traumatisées.
Je m’implique pleinement dans ce projet et espère partir en Haïti avec une des équipes dès que cela sera possible. L’Institut a des liens nombreux et anciens avec ce pays. Deux équipes sont en projet pour le moment : une pour avril et une autre pour juin.

Pour le moment, nous nous mobilisons pour soutenir les Haïtiens et Haïtiennes de Montréal qui comporte une importante communauté d’Haïtien/nes (130000 au Québec, principalement à Montréal). Tous ont vécu cette longue attente alimentée par les images terribles montrées en boucle par les chaînes de TV et par l’angoisse de ne pas savoir ce qu’étaient devenus leurs proches. Certains ont perdu des êtres chers, d’autres ont accueillis des membres de leur famille qui ont vu leur maison et tous leurs biens d’effondrer sous leurs yeux et pleurent parfois des personnes disparaître sous les décombres. De plus en plus des Haïtiens qui ont vécu le drame sur place arrivent à Montréal avec les images et les souvenirs du cauchemar vécu sur place.
Hier et aujourd’hui, j’accompagne avec d’autres trois religieuses (dont la supérieure générale) qui vont partir en Haïti pour soutenir les sœurs de leur communauté, qui ont perdu plusieurs élèves, des membres de leurs familles (aucune sœur de cette congrégation n’est décédée) et plusieurs établissements scolaires. Nous les préparons à ce qu’elle vont vivre pour qu’elles soient en mesure d’apporter une écoute et une présence de qualité à leurs sœurs qui viennent de vivre ce drame, pour les soutenir vraiment et les aider dans leur engagement pour reconstruire, sans se mettre « dans leurs souliers »… Elles partent aussi pour organiser le regroupement des personnes à aider pour le mois d’avril.

L’actualité dramatique d’Haïti est venue modifier le projet que nous avions initialement élaboré de rejoindre des jeunes pour les engager et les former dans le sens de bâtir des ponts de paix dans leur entourage et/ou au-delà des frontières. C’est une option forte de l’Institut qui intervient dans des pays où la guerre et la violence sont fortement présentes. Bâtir un pont de paix, c’est créer un lien avec une personne que les préjugés de toute sorte (ethnie, race, couleur, fonction, âge, comportement, apparence, sexe, etc.) empêchent de voir comme une personne unique et singulière. Dans les temps de formation, nous avons de nombreuses occasions de découvrir que l’histoire de nos peuples nous amène à colorer de manière non consciente la manière dont nous voyons les personnes d’une autre culture. Ainsi par exemple, le passé colonial de la France a un impact non négligeable sur la manière dont les personnes issues des peuples anciennement colonisés me regardent (et vice versa). Cela a coloré tout le 1° trimestre de ma vie dans cette petite communauté dont je parlais plus haut. De même entre Hutus et Tutsis du Rwanda ou entre Congolais et Rwandais, l’actualité actuelle ou le passé proche dressent des murs non visibles mais très forts. En prendre conscience et décider de les défaire est un vrai travail ! Si souvent, nous pensons qu’il suffit de comprendre intellectuellement les problèmes, en négligeant toute la part non consciente et affective qui prédomine dans ces affaires de préjugés culturels.

Je termine cette lettre très sérieuse par une note plus légère en parlant du climat… Le Québec est connu pour ces hivers rigoureux mais la température saisonnière est inégalement conforme à cette réputation. Ces derniers jours (fin janvier) le thermomètre à la fenêtre de ma chambre a oscillé entre – 22°C [que le coefficient éolien ramenait à – 33°C] à +8°C… Ce matin, il indiquait
-14°C. S’habiller et se déshabiller est un véritable sport : les maisons sont très chauffées, et le contraste suppose toute un gymnastique : bottes, pantalon et sur pantalon, bonnet et écharpes qui font ressembler à des gangsters près à dévaliser une banque, et une allure d’ensemble qui transforme les personnes les plus sveltes (ce qui n’est pas mon cas) en bibendum… Mais la beauté est au rendez vous des grands froids.

Je vais demain et après demain passer deux jours avec une amie dans les petites montagnes qui sont au Nord de Montréal (les Laurentides) : au programme, ski de fond pour me détendre : ces deux jours constituent mes vacances de février !

J'espère de vos nouvelles ! A bientôt…

Marie-Odile

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